Les blessures et la grande gueule de Brian Lawton. Voilà pourquoi, selon Bob Gainey, la saison du centenaire du Canadien a tourné au cauchemar. L'explication est séduisante, mais elle est un peu courte.

En qualifiant de «honteuse» la conduite du directeur général du Lightning de Tampa Bay, Gainey s'est trouvé un coupable bien commode, à des milliers de kilomètres du vestiaire de son équipe.

Gainey s'est assuré que les manchettes des journaux et des bulletins de nouvelles sportives mettent l'accent sur le bris de confidentialité dont se serait rendu coupable Lawton, plutôt que sur plusieurs problèmes bien réels auxquels son équipe a été confrontée à compter de la mi-saison.

Que Chris Higgins et Tomas Plekanec, qui ont connu une saison misérable, aient été affectés par les rumeurs qui les mêlaient à une transaction impliquant Vincent Lecavalier, ça se conçoit. Les deux ont tendance à se mettre énormément de pression sur les épaules. Suffisait pour s'en convaincre de voir l'air de chien battu de Plekanec, hier, pendant qu'il battait sa coulpe. Si un joueur du Canadien a un urgent besoin d'un rendez-vous chez le psychologue sportif, c'est bien lui.

Mais Brian Lawton n'a rien à voir avec la baisse de régime et les fréquentations douteuses des frères Kostitsyn, à propos desquelles Gainey, faut-il le rappeler, s'était déclaré «très préoccupé» en février. Lawton n'est pas celui qui a empêché Alex Kovalev de passer à la vitesse supérieure avant le dernier mois de la saison. Il n'est pas la cause des déboires de Carey Price après le match des Étoiles. Il n'est pas responsable du fait que plusieurs joueurs de l'équipe ne pouvaient tout simplement plus sentir Guy Carbonneau, au point où Bob Gainey s'est senti obligé de congédier son vieil ami, le 9 mars. Et puisqu'on y est, ce n'est pas Lawton qui s'est arrangé pour que près de la moitié des joueurs du Canadien obtiennent leur autonomie en même temps, une situation qui «n'est pas optimale», comme Gainey l'a admis avec un sens bien aiguisé de la litote, hier.

Je n'ai pas de raison de mettre en doute les allégations de Gainey au sujet de Lawton, qui aurait coulé les noms des joueurs du Canadien dans le but de faire monter les enchères pour Lecavalier. Mais en s'en prenant aussi durement à son homologue de Tampa, il détourne, par calcul ou non, l'attention du public des problèmes internes de son club.

Cela dit, il est vrai que les blessures ont fait mal au Canadien. On ne peut être privé pendant de longues périodes de joueurs aussi importants que Robert Lang, Andrei Markov, Alex Tanguay, Mathieu Schneider, Mike Komisarek et quelques autres - comme le Canadien l'a été à un moment ou l'autre cette année - sans que les performances de l'équipe ne finissent par s'en ressentir. Mais le mal du Canadien était beaucoup plus profond que celui infligé par les blessures, si nombreuses qu'elles aient été.

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La bonne nouvelle, c'est que le Canadien jouira cet été d'une rare flexibilité. Avec des engagements financiers d'environ 23 millions seulement en vue de la prochaine saison, l'équipe a toute la marge de manoeuvre nécessaire pour être très active sur le marché des joueurs autonomes sans compensation et pourrait même tester pour la première fois le marché des joueurs autonomes avec restriction.

La moins bonne nouvelle, c'est qu'avec les péripéties rocambolesques de la saison qui vient de se terminer, il risque d'être plus difficile que jamais d'attirer chez le Canadien des joueurs autonomes dignes de ce nom. «Les gars se demandent si jouer à Montréal vaut tous les tracas que ça cause, s'ils ont envie de répondre à des questions tous les jours, souligne Mathieu Dandenault. Certains joueurs vont préférer aller voir ailleurs.»

La chance de jouer pour une équipe gagnante peut bien sûr venir à bout de certaines réticences. Mais avec la fin en queue de poisson de sa saison 2008-2009, le CH n'a pas des arguments de vente très éloquents.

C'est pourquoi il est important pour le Canadien de marquer un grand coup avant le 1er juillet, date à laquelle s'ouvrira le marché des joueurs autonomes. Il faut que Bob Gainey - ou son successeur, si le Canadien est vendu et que le nouveau propriétaire décide d'installer quelqu'un d'autre dans le fauteuil de directeur général - complète une transaction qui frappe l'imagination. Il faut qu'il envoie le signal que le Canadien n'est pas reparti pour un autre interminable plan quinquennal, mais qu'il entend plutôt rebondir dès la saison prochaine.

Et quand on pense transaction, quel est le premier nom qui nous vient en tête? Vincent Lecavalier, évidemment. Sauf que je ne suis pas sûr que Brian Lawton va maintenant avoir envie de reprendre avec Bob Gainey le tango interrompu en janvier...