C'est encore jouable. La suspension d'un match imposée à Milan Lucic prive les Bruins d'un très bon joueur, un féroce compétiteur très intimidant, et va permettre à certains Glorieux d'être un peu plus courageux.

C'est encore jouable parce qu'on devrait revoir Andrei Markov avant la fin de cette série. Markov, même se remettant d'une blessure, même diminué, est le meilleur joueur de défense du Canadien.

C'est encore jouable parce que dans le passé, j'ai souvent vu des équipes se remettre de deux défaites chez l'adversaire. Même que c'était presque la norme à une certaine époque. On perdait les deux premiers matchs sur la route, on gagnait chez soi et tout se jouait sur «le» match qu'on devait gagner chez l'adversaire. D'ailleurs, les Flyers de Philadelphie, malmenés par les Penguins dans le deuxième match, sont en vie, très en vie, ce matin. Y a rien qui empêche le Canadien de faire la même chose.

Mais pour que ce soit jouable, il faut que des leaders se lèvent dans cette foutue équipe. Samedi soir, Claude Julien a parlé avec fierté de ses leaders. Il en a nommé une demi-douzaine, il a parlé de Zdeno Chara, d'Aaron Ward, de Stéphane Yelle et de quelques autres de ces vétérans qui assurent la stabilité et l'esprit d'équipe des Bruins.

Mais comment ça fonctionne chez le Canadien? Je sais que Guillaume Latendresse et Maxim Lapierre s'aiment beaucoup, qu'ils sont de bons amis. S'il jouait plus souvent, Mathieu Dandenault pourrait être un grand frère pour ces jeunes. Comme pourrait l'être Patrice Brisebois si Bob Gainey lui donnait la chance de remplir ce rôle. Mais sorti des liens naturels que tisse la langue, qui donc aime vraiment Lapierre et Latendresse? Qui donc leur sert de leader?

Je suis convaincu que les deux frères Kostitsyn s'aiment beaucoup. Mais qui les aime? Et quels joueurs aiment Saku Koivu? De qui veut-il être le leader? De qui veut-il prendre soin?

Les chances de victoire du Canadien sont contenues dans ces questions. Dany Dubé a toujours soutenu que celui qui avait la clé du vestiaire était Alex Kovalev. Et effectivement, le grand Russe a maintenu une moyenne de deux points par match dans la quinzaine de rencontres disputées par le Canadien depuis que Bob Gainey a remplacé Guy Carbonneau. Si le Canadien a réussi à se faufiler dans les séries, c'est à cause de Jaroslav Halak et du trio Tanguay-Kovalev-Koivu. Que Bob Gainey ait séparé ces trois joueurs est incompréhensible. Qu'il les ramène ensemble ce soir serait une excellente idée.

Mais ça va prendre plus qu'un trio pour sauver cette série et battre les Bruins de Boston. Il faut que Kovalev soit encore plus collectif tant dans son jeu que dans son comportement. Les joueurs l'admirent et sont parfois béats devant sa grande intelligence et sa personnalité très forte. Il faut qu'il soit juste un peu plus motivateur, qu'il s'implique plus dans le vestiaire, qu'il fasse sentir son grand désir de vaincre.

Certains confrères estiment que le leadership discret de Saku Koivu est réel. S'ils le disent et comme ils travaillent à La Presse, je me dis que ce doit être vrai. Mais j'ai beaucoup de difficulté à lire ce leadership dans le comportement et l'attitude de Koivu. Lui aussi devra sortir de sa coquille et de son orgueil pour entraîner à sa suite les plus timides de ses coéquipiers.

Alex Tanguay est un grand monsieur tranquille. Mais ses coéquipiers savent qu'il est un des meilleurs de l'équipe. Ils savent que sa vision du jeu est incomparable chez le Canadien. Ils ont besoin de lui. Il n'a pas à demander la permission pour s'imposer. On attend qu'il le fasse. C'est le temps ou jamais.

À la défense, le seul leader possible est Markov. Mike Komisarek avait tout pour hériter du «C» après le départ de Koivu, mais depuis son retour au jeu après la blessure subie dans son combat contre Lucic, il est le défenseur le moins fiable de la Flanelle. Ça aussi, les joueurs le savent et ils ne tolèreraient pas qu'on fasse du gros «yap yap» dans le vestiaire sans être capable d'appuyer ses cris de ralliement par une action solide et efficace.

Depuis le début de la saison que Jean Perron clame qu'il n'y a pas de leader chez le Canadien. Perron a ses défauts, mais il a des qualités énormes et ses connaissances et son expérience en coaching en font partie. Je lui accorde une crédibilité énorme sur ce sujet précis. S'il a raison, alors il faut qu'il se passe quelque chose et que trois ou quatre vétérans sonnent la charge et transforment l'atmosphère au sein de cette formation composée de groupuscules qui sont indifférents les uns aux autres.

C'est encore jouable. Ça prend quelques chefs pour que les indiens suivent.

DANS LE CALEPIN Pour répondre à une question posée hier dans ma chronique, il y aura un marathon couru à Montréal le 13 septembre prochain. Bravo.