Quand on regarde le naufrage des grandes banques américaines et européennes, le système bancaire canadien apparaît «solide comme le roc», et c'est en bonne partie pour cette raison que le Canada est «bien placé pour profiter d'une reprise de l'économie mondiale, quand celle-ci aura lieu».

Voilà une citation qui apparaît comme une bouffée d'air frais, alors que l'actualité économique et financière croule sous une avalanche de mauvaises nouvelles depuis un an.

 

Et le signal ne vient pas de n'importe qui. Philip Cross est analyste économique en chef à Statistique Canada. Il est réputé pour la qualité et la rigueur de ses recherches. Dans une étude publiée hier dans L'Observateur économique canadien, une revue spécialisée de l'agence fédérale de statistique, M. Cross passe en revue les grands événements qui ont bouleversé l'économie mondiale en 2008, et montre à quel point le Canada réussit finalement à bien tirer son épingle du jeu dans un contexte hautement volatil, et comment il est bien préparé pour la suite des choses.

D'entrée de jeu, l'auteur constate que l'année 2008 ne ressemble à aucune autre observée «dans un passé récent». Certes, chaque année est unique, mais 2008 passera à l'histoire parce que l'économie «a totalement changé son cours entre le début et la fin de l'année».

Certes, l'économie canadienne a subi le contrecoup de la crise: pertes d'emplois, baisse de la valeur nette des ménages, chute libre des exportations, notamment dans les secteurs des ressources, de l'automobile et de la main-d'oeuvre.

M. Cross parle même de «débâcle» des exportations, mais ajoute un bémol important. Dans le secteur des ressources, c'est-à-dire principalement le pétrole exporté aux États-Unis, les deux tiers du recul des exportations sont attribuables à la baisse des prix pétroliers. En fait, en volume, les exportations des ressources ont augmenté.

Quant à l'industrie automobile, le Canada (c'est-à-dire, dans ce cas, l'Ontario) a évidemment souffert du marasme qui a envahi GM et Chrysler. La production dans les 11 usines de montage canadiennes a chuté de 20%. Mauvaise nouvelle, certes, mais l'envers de la médaille est plus encourageant. Les véhicules «importés» sont de plus en plus populaires; en 2008, c'est une première historique, les marques «importées» représentent plus de la moitié des ventes de véhicules neufs au Canada. J'ai mis le mot «importé» entre guillemets parce que ces voitures sont de plus en plus construites au Canada et aux États-Unis. C'est dire que malgré les déboires des constructeurs américains, le Canada a réussi à stabiliser sa part de la production nord-américaine de véhicules à 16%, le même niveau qu'il y a huit ans. On ne peut pas parler de catastrophe.

Par rapport à leurs voisins américains, les Canadiens se tirent relativement bien d'affaire en ces temps de crise. Certes, la chute des cours boursiers et des prix immobiliers (le Québec est relativement épargné par ce dernier phénomène, qui a surtout touché l'Alberta et la Colombie-Britannique) a fait fondre la valeur nette des ménages de 7,3% en moyenne. Cela fait mal, évidemment, mais on peut se consoler en pensant que le chiffre correspondant, aux États-Unis, est de 20%. Sur une plus longue période, de 2002 à 2008, l'avoir net des ménages a augmenté presque deux fois plus vite au Canada: 45%, contre seulement 25% aux États-Unis.

À tout considérer, le Canada dispose d'au moins trois atouts.

Malgré la chute des exportations, il continue de dégager d'importants surplus commerciaux. Grâce en partie à l'accumulation de ces excédents, la dette extérieure nette du Canada est tombée à zéro en 2008. La différence entre ce que les emprunteurs canadiens doivent à leurs créanciers étrangers, et ce que les étrangers doivent aux prêteurs canadiens est nulle. Ce n'est pas rien; c'est la première fois que cela se produit depuis que l'on a commencé à tenir des statistiques à ce sujet, en 1926.

Depuis l'assainissement de ses finances publiques, le Canada est un pays relativement peu endetté, surtout si on le compare aux États-Unis. En 2008, la dette du système financier canadien correspondait à 60% du Produit intérieur brut, contre 120% aux États-Unis.

Alors que le système financier américain a été «complètement transformé» par la crise, les banques canadiennes sont, répétons-le, «solides comme le roc». Aux États-Unis, les cinq grandes banques d'investissement ont disparu ou ont été absorbées pour cause d'insolvabilité. En Europe, plusieurs banques insolvables ont dû fermer leurs portes, fusionner, ou être nationalisées. Au Canada, non seulement aucune banque n'a fait faillite, mais toutes ont continué de déclarer des profits et de payer des dividendes.

Il ne s'agit pas de regarder la situation avec des lunettes roses. La récession frappe dur: «La dernière baisse de l'activité économique au Canada remonte à 16 ans», écrit M. Cross. «C'est un record. Cela signifie qu'une génération entière de travailleurs et d'investisseurs fait pour la première fois l'expérience d'une récession».

En revanche, l'économiste démontre, noir sur blanc, que quand les États-Unis toussent, le Canada n'attrappe pas nécessairement le rhume...