C'est le Los Angeles Times qui a forgé l'expression: «He-cession.» C'est-à-dire: la récession qui touche surtout les hommes. Le mot s'est répandu sur tout le continent. Aux États-Unis comme au Canada, en effet, ce sont les mâles qui, dans une écrasante proportion, sont mis au chômage par la crise économique. En six mois, 81% des 357 000 emplois perdus au Canada étaient occupés par des hommes, en majorité âgés de 25 à 54 ans et travaillant jusqu'alors à temps plein.

De sorte que les femmes constituent maintenant 48% de la main-d'oeuvre active et deviennent de plus en plus fréquemment la seule source de revenus du foyer.

 

Cela présente divers problèmes.

Le premier est économique, bien sûr. La perte d'un revenu au sein de la famille est aggravée par le fait que celui des femmes (mieux protégé parce que celles-ci oeuvrent dans l'éducation, les soins de santé ou les services) est souvent inférieur.

Le deuxième est familial. Le web regorge soudain de blogues assassins déplorant que la femme pourvoyeuse continue à assumer une double tâche, celle de la shoppe et celle de la maisonnée. Et ce, parce que l'homme privé de travail, loin de se charger de la lessive ou de l'époussetage, «consacre son temps à dormir et à regarder encore plus la télé»!

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Le troisième problème en est un de psychologie masculine.

Or, le sujet est délicat parce que les valeurs dites masculines sont discréditées. Et que, quoi qu'il arrive, les hommes seraient malvenus de se lamenter à propos de quoi que ce soit. «Comment les rois pourraient-ils se plaindre d'être enfermés dans leur château?» demande la journaliste et auteure féministe Susan Faludi (dans Stiffed / The Betrayal of The American Man, non traduit en français).

Pourtant, c'est Faludi elle-même qui, autopsiant les déboires masculins des années 80 et 90 (Stiffed est paru après la crise économique précédente), soutenait que l'homme avait alors été trahi dans ses valeurs les plus profondes.

La loyauté, par exemple, envers l'entreprise ou envers l'État: l'homme est brutalement mis à pied ou jeté dans une guerre perdue. Ou la fierté de produire, de bâtir, de lutter pour protéger et nourrir sa couvée. Faludi observe: «Plus je vois ce que les hommes ont perdu - un rôle social, un emploi fiable et rémunérateur, l'appréciation à la maison, le respect dans la culture populaire - plus je constate qu'ils sont rabaissés à un statut comparable à celui des femmes dans les années 50.» Un statut, justement, que les femmes ont jeté à la poubelle de l'Histoire... en même temps que leur soutien-gorge!

Comment ne pas voir que tout cela se répète aujourd'hui?

«Pôôôvres hommes!» s'exclamera-t-on sans doute sur le mode du persiflage, en les priant de se taire. C'est vrai. Silence. Le stoïcisme est aussi une valeur dite masculine, après tout.