Le travail était terminé. Des dizaines de journalistes avaient noté ou enregistré des bribes de réponses qu'on retrouvera peut-être dans 25 ans dans des livres célébrant le 125e anniversaire du Canadien. Style: «Va falloir envoyer un message en sortant fort!»

J'adore traîner dans les couloirs et les corridors quand le travail est fait. C'est là que les joueurs laissent tomber leur garde et redeviennent ce qu'ils sont. Des hommes jeunes qui ont la chance inouïe de jouer pour gagner leur vie et qui, en retour, touchent des millions de dollars.

 

J'étais avec Donald Beauchamp et François Gagnon - Big Frank bougonnait comme d'habitude - quand Alex Tanguay est apparu: «Salut le joueur de quatrième trio!» que je lui ai lancé à la blague.

«Bonne façon de se faire un ami», a commenté Big Frank. «La clé, c'est de transformer le quatrième trio en un premier de l'équipe», ai-je répliqué pour me rattraper un peu.

Alex a souri. Ça dû lui faire un pincement de quitter Alex Kovalev et Saku Koivu mais il ne l'a pas montré. Surtout que, dans le fond, avec le rendement de Metropolit et de Higgins, c'est vrai que son trio aura été un des meilleurs de la soirée. Pour les deux équipes. On a jasé à quatre, rejouant les moments forts de la soirée, les arrêts de Tim Thomas et les bonnes mises en échec de Zdeno Chara. «Il est fort comme un boeuf. Si on ne le frappe pas avant qu'il ne retrouve son équilibre, aussi bien frapper un mur. C'est incroyable, il doit peser au moins 265 livres», a dit Tanguay sans une lueur d'intimidation dans le regard.

Un peu plus tôt, j'avais posé la question à Bob Gainey: «Si tu fais le bilan de ton expérience lors du premier match, qu'as-tu gagné et qu'as-tu perdu en faisant jouer Georges Laraque sur le premier trio?»

Gainey a réfléchi quelques secondes. «J'ai gagné de la robustesse sur ce trio. Un joueur aussi robuste crée de l'espace pour ses deux coéquipiers. Par ailleurs, c'est une expérience qui doit se prolonger pour qu'on puisse l'évaluer à sa pleine mesure», a-t-il répondu avec son application habituelle.

Ce qui veut dire que, ce soir, Laraque va encore se retrouver avec Koivu et Kovalev. Le gros Georges n'a pas fait honte à ses coéquipiers, jeudi soir, et il sait quoi faire avec une rondelle sur la palette. Le problème, c'est de patiner assez vite pour aller la chercher...

Nos valeureux petits gars

Rien de mieux que de traîner dans un lieu perdu du Garden. Maxime Lapierre et Guillaume Latendresse avaient l'air de deux gamins. Faut dire que Lapierre est le seul joueur de la Ligue nationale dont la maison est plus connue que lui: «Tu diras à Marie-France Bazzo que j'ai fait enlever la table de billard du sous-sol pour la remplacer par le cinéma maison. Justement pour passer encore plus de temps dans le sous-sol à regarder la télé et des films. Je vais être proche de mes racines, qu'elle ne s'inquiète pas», a-t-il lancé, pince-sans-rire, en faisant allusion à des propos de la douce et tendre Marie-France à la radio.

Vous le savez parce que mes confrères vous en parlent ailleurs dans le journal, la direction des Bruins demande que la ligue sévisse contre Maxime pour une mise en échec après le but de Phil Kessel dans un filet désert. Ce qui ne dérange pas beaucoup le propriétaire de la maison de TQS.

Faut dire que Maxime ne donne pas sa place pour faire perdre la tête à ses adversaires. Il a de la gueule: «C'est pas vrai, c'est Guillaume qui parle tout le temps», dit-il pour se tirer d'embarras.

Les deux gaillards se sont renvoyé la balle. Mais le jappeur des deux, c'est Maxime. Il a toujours une insulte ou une remarque à lancer à un adversaire. «L'autre jour, il a lancé quelque chose à Andrew Peters, des Sabres de Buffalo, à la mise au jeu. L'autre a répondu mais c'était tellement tout croche que je me suis mis à rire comme un malade. Un vrai fou rire», a raconté Latendresse.

L'autre soir, Maxim s'approche d'un adversaire: «Hé! Ton lacet est dénoué!» L'autre se penche pour vérifier et réalise que tout est correct. «Il m'a traité de malade, de niaiseux et autres gentillesses, c'était drôle», a dit Maxime.

Il n'y a pas eu beaucoup de rigolade, jeudi soir. Selon Patrice Brisebois, selon Latendresse, selon Tanguay, selon Lapierre, le match était trop intense, trop âprement disputé pour qu'on ait le temps de discuter sur la patinoire. Même Laraque n'a pas eu le temps de picosser Chara ou Lucic. «Lui, il est fort pis il est gros. Mais c'est pas un grand parleur», a précisé Latendresse.

Des joueurs de hockey, pendant les séries, ce n'est pas ce que vous imaginez. Ce sont des athlètes qui tentent de garder leurs forces, leurs énergies et leur bonne humeur entre les matchs. Par exemple, Latendresse et Lapierre se taquinent constamment. «J'ai 20 parties de plus que lui dans la Ligue nationale, c'est moi le vétéran», a lancé Guillaume. «Ouais, mais je suis plus vieux que lui et j'ai disputé mon premier match avant lui, ça devrait être moi», a répliqué Lapierre.

C'est important parce que le vétéran a le contrôle de la télécommande. «Ça change rien. Quand c'est lui qui a la manette, il change les postes à tout bout de champ. Pis quand c'est moi, il passe son temps à me dire: «Change... change... change.» On finit qu'on écoute rien», s'est lamenté Maxime.

Et puis, le vétéran choisit son lit. Comme Latendresse se lève la nuit pour une petite urgence aux toilettes, il préfère avoir le lit près de la salle de bains. «Sinon, il s'accroche tout le temps dans mes pieds et me réveille à toutes les fois», s'est plaint encore le pauvre Maxime. «Il dort avec le gros orteil à l'air. Je suis pas capable de résister, faut toujours que je lui tire dessus, c'est pas de ma faute», rit Guillaume en répondant.

Deux gamins qui ont disputé un bon match et qui ont déjà hâte au lendemain soir. Deux jeunes qui ont trouvé leur place dans l'équipe et qui peuvent maintenant se permettre de ces petites folies qui chassent la tension.

«Pis, ta maison?

- Dans la vraie vie, tout est terminé. Je pense que le monde va aimer.»

Je ne vous dirai pas comment Latendresse a baptisé la maison de Maxime. Je pense qu'il y a un peu de jalousie là-dessous.

Certains comparent Milan Lucic à Cam Neely. Patrice Brisebois est plus nuancé. «Lucic est gros et fort mais il n'a pas encore les mains de Neely. Et il est moins grand, moins imposant. Mais il fait mal quand il cogne», a dit Brisebois.

Il enchaîne: «J'ai joué mon tout premier match contre les Bruins de Boston en janvier 1991. J'avais 19 ans. À un moment donné, Patrick Roy a fait un arrêt et j'ai fait ce qu'on m'avait enseigné dans le junior, je me suis retourné vivement et j'ai sacré un bon coup à deux mains sur les avant-bras du joueur de Boston qui s'en venait. Pis là, j'ai levé les yeux et j'ai vu la face et le regard de Cam Neely. C'était très impressionnant. Juste à lui voir la face, j'ai compris le message. Ne recommence plus ce petit jeu, tu pourrais avoir des problèmes, mon jeune.»

C'est avec Cam Neely que les Bruins ont eu le plus de succès contre le Canadien en série. «C'était une grosse équipe. Neely recevait les passes d'Adam Oates et de Raymond Bourque. L'imposant Al Iafrate était à la défense, c'était une grosse commande à toutes les parties», a repris Brisebois.

C'est quand même formidable. Brisebois affronte maintenant celui qu'on compare à Neely. Ça fait quand même presque 20 ans dans la grande ligue...

DANS LE CALEPIN - Si Markov ne guérit pas très vite, ça va être difficile... Bien difficile, très difficile. Coudonc, y a pas un curé quelque part qui aurait encore de l'huile du frère André?