Si tout le monde s'entend sur l'importance de lutter contre le décrochage scolaire, il n'y a pas unanimité sur le choix des armes.

En l'espace d'un mois, deux comités ont publié un rapport sur les moyens de lutter contre le décrochage.

Le premier, piloté par le banquier Jacques Ménard, constatait que le décrochage n'est pas l'unique responsabilité de l'école, c'est aussi celle des parents, de l'entreprise, bref de la communauté. Le rapport Ménard recommande donc, entre autres, de mettre à contribution tout le monde (parents, enseignants, mais aussi gens d'affaires) par l'entremise de programmes qui ont fait leurs preuves, au Québec, aux États-Unis et en Ontario. L'avantage de cette approche est qu'elle peut s'implanter rapidement puisqu'on ne propose pas de redéfinir les structures du milieu de l'éducation. Pas étonnant que le gouvernement Charest l'ait appuyée avec autant d'empressement.

 

Un second rapport, publié la semaine dernière, va dans le sens contraire. Commandé par la Fédération des établissements d'enseignement du Québec et rédigé notamment par l'ancien sous-ministre de l'Éducation Robert Bisaillon et le père de la réforme, Paul Inchauspé, il recommande d'accorder plus de pouvoirs à l'école et aux enseignants puisqu'ils seraient les mieux placés pour lutter efficacement contre le décrochage.

Disons d'abord qu'il y a quelque chose d'assez ironique dans le fait d'entendre les pères de la réforme réclamer une plus grande marge de manoeuvre pour les écoles et les enseignants. Dans bien des cas, ces derniers ont eu l'impression qu'on leur avait enfoncé cette fameuse réforme dans la gorge, chamboulant leurs façons de faire, faisant fi dans bien des cas de nombreuses années d'expérience.

Mais le principal problème du rapport de MM. Inchauspé et Bisaillon, c'est qu'il nous éloigne des véritables enjeux du décrochage. Il transforme un problème de société en débat de structures qui n'intéressent que les spécialistes de l'éducation.

C'est exactement le genre de débat dont les parents et le public en général ne veulent plus.

Plus capable des chicanes stériles entre les différentes cliques de pédagogues! Les parents, de toute façon, y perdent leur latin. Et savent bien, au fond d'eux-mêmes, qu'un bon professeur, même dans de mauvaises structures, réussira toujours à accrocher ses élèves alors qu'un mauvais professeur, même dans la meilleure école de la province, ne saura pas transmettre le goût de savoir à ses étudiants.

Le problème à l'origine du décrochage et de la dévalorisation de l'école en général est beaucoup plus profond que le remaniement des structures et le droit d'un enseignant à utiliser un cahier d'exercices plutôt qu'un autre. Le problème, c'est la valeur accordée à l'acte d'apprendre. On ne cesse de le répéter: il faut remettre l'éducation au sommet des priorités. Mais comment? Peut-être en commençant par faire notre propre examen de conscience. N'est-ce pas notre paresse intellectuelle collective qui fait en sorte que nos enfants ont de moins en moins envie d'apprendre, qu'ils se demandent pourquoi ils devraient travailler fort pour acquérir des connaissances? Pas surprenant qu'autant de jeunes décrochent dans un tel contexte. Et à moins d'une prise de conscience profonde et surtout, collective, le taux de décrochage va demeurer le même, c'est-à-dire lamentable.