Les investisseurs québécois sont au rendez-vous. Au moins une dizaine envisagent la possibilité d'acquérir le Canadien. Bien que pris à la gorge et pressé par le temps, George Gillett les attend néanmoins au détour. Il serait bien fou de ne pas jouer à plein la carte nationaliste pour faire grimper les enchères. Et toucher une prime québécoise pour maximiser des profits dont il a cruellement besoin.

La crise économique favorise d'emblée l'émergence d'un acheteur québécois. Les Américains sont trop occupés à sauver les meubles dans leur propre cour. Et, disons-le, les candidats internationaux sont moins entichés d'investir dans une équipe de hockey, aussi prestigieuse soit la sainte Flanelle, que dans un club de soccer, un sport d'envergure mondiale.

 

La dernière fois que le Canadien a été mis en vente, aucun Québécois n'a présenté d'offre ferme. Cette fois-ci, ils pourraient être plusieurs sur les rangs. Pourquoi? Primo, des Québécois ont profité de l'expansion économique des dernières années pour gonfler leur fortune: Guy Laliberté, René Angélil, la famille Saputo, Pierre Karl Péladeau, qui ont tous les moyens, maintenant, d'entrer dans la danse.

Mais également parce que M. Gillett a fait la démonstration par quatre que le Canadien pouvait être un placement rentable. C'est comme à la Bourse, M. Gillett a acheté au plus bas et cherche à vendre au sommet de la courbe. L'équipe de hockey et le Centre Bell engrangeront-ils toujours des profits plantureux alors que le ralentissement économique commence tout juste à frapper le Québec de plein fouet? Rien n'est moins sûr.

L'émotion est souvent mauvaise conseillère dans le monde de l'investissement. Même si les Québécois approchés sont tous des gens d'affaires aguerris, le Canadien n'est pas une institution comme une autre. Devenir propriétaire de la sainte Flanelle, c'est plus que d'acheter une usine de gâteaux ou une entreprise de câblodistribution. C'est acquérir un morceau de l'histoire du Québec, une dynastie à laquelle des centaines de milliers de partisans sont profondément attachés. La tentation pourrait être forte d'allonger quelques millions de plus pour devancer la compétition.

Ne comptez pas sur M. Gillett pour faire des cadeaux aux Québécois, compte tenu du bourbier financier dans lequel il patauge. Les fans de l'équipe souhaiteraient sans doute que l'Américain montre un préjugé favorable à l'endroit d'un acheteur d'ici. Si cela se matérialise, ce sera parce que les Québécois auront simplement offert davantage. Point.

On estime que le Canadien et le Centre Bell valent plus de 400 millions. Espérons que tous les investisseurs québécois déterminés à s'en porter acquéreurs formeront un consortium. Pour éviter une folle montée des enchères: la prime québécoise de M. Gillett s'envolerait en fumée. Mais surtout pour éviter de payer un prix exorbitant dans un environnement économique trouble.

Le prochain propriétaire doit-il absolument être québécois pour autant? Non. Sa nationalité américaine n'a pas empêché M. Gillett de préserver le puissant sentiment d'appartenance du Tricolore au sein de la communauté. Et un propriétaire d'ici ne garantit en rien la survie d'une équipe professionnelle au Québec. Parlez-en à Marcel Aubut et à Claude Brochu.

jbeaupre@lapresse.ca