L'image classique que suggère la prévision économique, c'est celle de la boule de cristal grâce à laquelle l'économiste, un peu comme un devin, réussit à voir l'avenir.

La vérité, c'est que personne n'est capable de prédire l'avenir, encore moins au cours de cette récession qui a déjoué jusqu'ici les économistes et leurs modèles informatiques. Ceux-ci n'ont prévu ni son arrivée ni sa gravité, et ils sont bien en peine de savoir quand et comment elle se terminera.

 

Lors du budget québécois de la semaine dernière, on a pu voir que les écarts de prévisions étaient considérables, certains parlant d'un recul de 0,5% au Québec en 2009, d'autres de moins 2,5%. Et si la plupart des spécialistes voient la reprise fin 2009, quelques-uns pensent plutôt à 2011 et même 2012.

Ce désarroi s'explique en grande partie par le fait que cette récession, contrairement aux précédentes, est de nature financière. La reprise dépendra d'éléments intangibles et imprévisibles, du retour à la normale des marchés financiers et de la restauration de la confiance.

Pour la même raison, les économistes auront probablement autant de mal à voir la reprise, quand elle sera là. Parce que l'analyse économique repose sur des statistiques qui décrivent le passé. Quand le revirement arrivera, on ne le verra pas, parce qu'on regardera derrière, plutôt que devant.

Voilà pourquoi, faute de pouvoir prévoir, les spécialistes en sont réduits à rechercher et à décoder des signes qui leur indiqueraient une direction, un peu comme les augures de la Rome antique qui scrutaient les vols de vautours ou qui voyaient des présages dans les entrailles de poulet.

On cherche, dans les statistiques et dans les nouvelles économiques, des signes qui nous diraient si le processus de recul s'accélère, s'il continue sur sa lancée, ou si, au contraire, on sent des mouvements annonciateurs d'un retournement qui mettrait fin à la dégringolade.

Depuis une semaine, on a eu droit à certains de ces signes: un regain des ventes de maisons aux États-Unis, une hausse des ventes de véhicules au Canada entre janvier et février, une légère remontée de l'indice de confiance des consommateurs du Conference Board. Il faudrait être bien imprudents pour sauter aux conclusions à partir de quelques petites informations, trop peu nombreuses et trop récentes pour qu'on puisse y déceler une quelconque tendance.

Mais le fait même que l'on parle de ces bonnes nouvelles représente, en soi, un renversement de tendance. Dans la déprime générale, on a eu tendance à privilégier depuis quelques mois les éléments d'information les plus sombres.

Le changement de ton est significatif quand on sait que la sortie de crise reposera largement sur des éléments de nature psychologique, comme le retour de la confiance. L'important rebond boursier de lundi est à cet égard intéressant parce que le plan de gestion des actifs toxiques qui a réjoui les marchés cette semaine est très précisément celui-là même qui les avait fait paniquer en février.

On a par ailleurs du mal à croire que la reprise finira par arriver parce qu'il y a de la confusion sur le terme. Il s'agit d'un revirement, le moment où l'économie cessera de reculer pour amorcer sa remontée. C'est déjà beaucoup. Mais la reprise n'est pas pour autant un synonyme de retour à la normale.

Elle amorce plutôt un processus de rattrapage, qui pourra être long. Pensez à une pneumonie. Quand le patient a fini de prendre ses antibiotiques, que la fièvre est tombée, on peut dire que la bactérie est vaincue et que le patient est guéri. Mais il lui faudra des semaines de convalescence, sinon des mois, avant qu'il n'ait retrouvé ses forces.