Question: Je suis un investisseur dans le fonds de la FTQ depuis le tout début. À la suite d'un reportage de la SRC (Société Radio-Canada), le fonds a cru bon de nous faire parvenir une lettre à ce sujet. J'aimerais bien avoir votre opinion sur cette lettre. - Gérald Lauzon

Réponse: Commençons par la bonne nouvelle: grâce au reportage d'Alain Gravel de la SRC, qui a dénoncé une histoire de copinage entre des dirigeants de la FTQ et des entreprises financées par le Fonds de solidarité de la FTQ, celui-ci sera dorénavant assujetti à une gouvernance à toute épreuve ou... presque.

 

Et l'exemple vient du haut de la structure. À commencer par le président du conseil d'administration du Fonds de solidarité, Michel Arsenault, le grand patron de la FTQ. Après s'être fait dénoncer par Radio-Canada pour avoir passé des vacances sur le bateau de Tony Accurso, un riche entrepreneur en construction du Québec dans lequel le Fonds de solidarité a investi 114 millions de dollars, M. Arsenault a promis de se garder à l'avenir une petite gêne avant d'accepter d'autres invitations de chefs d'entreprise. Lors des vacances de M. Arsenault sur le yacht de M. Accurso, un ancien président de la FTQ-Construction, Jean Lavallée, était également présent...

Dans une lettre ouverte à La Presse, M. Arsenault a écrit: «Je réalise la frontière ténue entre la perception d'un geste, d'une action, d'un comportement et la réalité. Et ce, a fortiori lorsqu'on assume, comme j'ai le privilège de le faire depuis 14 mois, les fonctions de président de la FTQ et de président du conseil d'administration du Fonds de solidarité FTQ. L'homme public que je suis devenu en accédant à ces fonctions comprend que ses moindres faits et gestes soient scrutés à la loupe, y compris ses vacances. Je l'accepte en toute humilité.»

Il a ajouté: «... ce qui va changer, c'est la façon dont je vais gérer mes activités personnelles afin que le devoir de réserve qu'exige mon poste, soit le mieux respecté et cela, avec qui que ce soit.»

Après la révélation au grand jour de sa semaine de vacances à bord du bateau de l'entrepreneur Accurso, M. Arsenault s'est finalement rendu compte que cela «pourrait viser à entacher la réputation de la FTQ et du Fonds de solidarité». «Le Fonds, a-t-il ajouté, n'est pas et ne peut être le joujou financier de la FTQ.»

Quelle clairvoyance, à retardement, de la part de l'homme-clé de la FTQ et de son immense Fonds de solidarité de 6 milliards de dollars! Il a juste fallu lui rappeler, par l'entremise des médias, que ses prestigieuses fonctions exigeaient un minimum de jugement et de retenue à l'égard des chefs d'entreprise qui brassent des affaires avec le Fonds. Autre facteur sans doute déterminant dans la tardive clairvoyance de M. Arsenault: le reportage de la SRC sur les 125 000$ de menues dépenses (bouteilles de vin à 200$ et souper à 3000$) remboursées en six mois par la FTQ à son ex-directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis.

Dans sa récente lettre aux actionnaires, le PDG du Fonds de solidarité, Yvon Bolduc, affirme que le Fonds est régi par des règles de gouvernance des plus strictes et conformes à l'ensemble de l'industrie financière. Les actionnaires du Fonds n'ont jamais été lésés, dit-il, par les agissements reprochés dans les médias à des dirigeants de la FTQ.

Lors de l'entrevue accordée à La Presse Affaires, M. Bolduc a par ailleurs vanté les mérites de l'entrepreneur Tony Accurso, l'ami de son président par qui est arrivé l'accroc à la bonne gouvernance.

«Accurso, précise M. Bolduc, a souvent repris des entreprises sur le bord de la faillite et il les a relancées en sauvant des emplois. Au fil des années, il s'est développé une confiance dans la capacité de cet entrepreneur à faire des succès avec les investissements que nous avons faits dans ses entreprises.»

M. Bolduc a tenu à rappeler que les investissements de 114 millions du Fonds de la FTQ dans les entreprises de M. Accurso (dont le groupe Simard-Beaudry) ont rapporté un intéressant rendement de 12,8% par année. C'est l'un des meilleurs partenaires du Fonds, avec BioChem Pharma.

Avis aux détracteurs de monsieur Accurso!

Quoi qu'il en soit, se vanter d'avoir mis en place des processus de vérification et de contrôle rigoureux dans la sélection des investissements du Fonds de solidarité, c'est une chose. Mais encore faut-il que des dirigeants du Fonds de solidarité et de la FTQ ne viennent pas bousiller la crédibilité de ces mécanismes de bonne gouvernance.

Il ne faut pas prendre les 573 000 actionnaires du Fonds de solidarité pour des tartes: ils savent que les gros investissements de 5 millions et plus du Fonds de solidarité doivent être approuvés par le conseil d'administration du Fonds, dont la majorité des membres provient de la FTQ.