Pour inciter les épargnants à réinvestir de l'argent frais dans les PME québécoises inscrites en Bourse, le gouvernement Charest vient de rétablir le Régime d'épargne-actions en offrant aux participants une déduction de 150%.

Attendez-vous à recevoir bientôt un appel de la part de votre courtier. Le sujet: il vous invitera à investir quelques milliers de dollars dans les premières émissions d'actions du REA II.

 

Avant de le faire, que diriez-vous de vous rafraîchir la mémoire avec un court bilan des 25 années d'existence du vieux REA?

En 1977, à peine 4% des Québécois détenaient des actions de compagnies inscrites en Bourse. Dix ans plus tard, le taux d'actionnariat au Québec avait quadruplé et atteignait 16%.

Cette explosion du taux d'actionnariat était attribuable à un facteur déterminant: la création du Régime d'épargne-actions par le ministre des Finances de l'époque, Jacques Parizeau. Et, surtout, à la frénésie boursière que certains titres vedettes, comme Cascades, avait créée. Le titre de Cascades avait littéralement explosé en Bourse, décuplant de valeur en peu de temps.

La question à un milliard de dollars: de 1979 à 2003, avons-nous fait un bon placement en investissant 9,3 milliards de dollars dans des actions d'entreprises admissibles au Régime d'épargne-actions (REA)? Ça dépend pour qui...

Chose certaine, le REA a coûté, en dépenses fiscales, toute une beurrée au gouvernement du Québec: il a accordé aux détenteurs d'actions REA rien de moins que 1,1 milliard de crédits d'impôt.

Mais cela a permis aux entreprises québécoises bénéficiaires d'attirer de généreux capitaux additionnels (environ 8,6 milliards nets) qu'elles n'auraient sans doute pas obtenus de la part des Québécois sans la création du REA et de son attrait fiscal.

Quant aux maisons de courtage participantes (et à leurs collaborateurs: fiscalistes, avocats, etc.), le REA leur a procuré une occasion en or d'encaisser de plantureux revenus, soit autour de 700 millions en commissions et frais de tout acabit.

Les Québécois investisseurs, eux, ont-ils réalisé un bon placement avec le REA?

Ces crédits d'impôt REA de 1,1 milliard accordés par le gouvernement du Québec représentent le réel coussin financier que la déduction REA procurait aux acquéreurs d'actions.

Question: est-ce que ce coussin de 11,8% (1,1 milliard de crédit d'impôt/9,3 milliards d'investissement) a permis aux investisseurs de réaliser un placement rentable?

Oui pour une poignée d'investisseurs aguerris qui ont revendu rapidement à profit leurs titres REA les plus explosifs lors de la bulle boursière allant de 1983 à octobre 1987.

Non pour la majorité des investisseurs qui détenaient un portefeuille grandement surpondéré en titres REA lors du krach de 1987 et des années suivantes. Quand la bulle du REA a éclaté, en octobre 1987, un grand nombre de participants au REA ont encaissé de lourdes pertes avec leurs PME québécoises.

Les pertes des détenteurs d'actions REA seraient attribuables à plusieurs facteurs dont: trop d'argent d'investi dans de petites entreprises; trop d'actions émises à des prix artificiellement gonflés par les maisons de courtage; cupidité des courtiers et des investisseurs; frénésie des Québécois pour les petits titres; grand nombre de faillites; etc.

Dans une étude sur le REA, Jean-Marc Suret et Élise Cormier, de l'Université Laval, avaient tracé un bilan fort négatif du REA. Ils estiment que les investisseurs québécois ont globalement perdu dans l'aventure plusieurs centaines de millions de dollars. Et cela tient compte des crédits d'impôt encaissés.

Serons-nous des investisseurs plus brillants avec le REA II, lequel s'adresse à des sociétés dont l'actif est inférieur à 200 millions?

Je nous le souhaite!