Deux belles histoires vont s'écrire ce soir. Dans un scénario idéal, Martin Brodeur gagnerait son match en fusillade et égalerait la marque de victoires en carrière de Patrick Roy. Et en perdant de cette façon, le Canadien mériterait un point qui lui sera fort utile à la fin de la saison.

Pendant quelques dizaines d'heures, Martin Brodeur et Patrick Roy partageraient un record fabuleux. A-t-on idée du nombre d'arrêts, du nombre d'heures d'entraînement, du nombre d'heures d'insomnie avant les grands matchs ou au lendemain d'une performance catastrophique?

 

Et du nombre d'heures passées au téléphone à discuter hockey avec son père, Denis Brodeur, qui fut au Montréal-Matin le meilleur photographe de sport au pays avant l'arrivée de Bernard Brault.

Les deux Québécois trônent au sommet d'une pyramide qui comprend Ken Dryden, Terry Sawchuck, Bernard Parent, Daniel Bouchard, Glenn Hall, Gerry Cheevers, Johnny Bower et des dizaines de grands gardiens. C'est un honneur immense pour ces deux compétiteurs féroces.

Et quand Brodeur va devancer Roy, ça ne diminuera pas la valeur des marques personnelles de Casseau. Les deux hommes auront joué pour de bonnes équipes qu'ils auront rendues meilleures.

Curieusement, c'est Patrick Roy qui aura fait sauter la banque pour les gardiens. C'est lui qui aura convaincu les directeurs généraux et les propriétaires qu'un excellent gardien valait autant d'argent qu'un excellent marqueur. Patrick a donné le ton quand il a signé un contrat de 16 millions de dollars pour quatre ans avec le Canadien.

Plus tard, en sacrifiant son agent Gilles Lupien, qui voulait plus pour son client que ce qu'offraient les Devils du New Jersey, Martin Brodeur s'est aligné sur les revenus de Casseau pour négocier ses salaires.

Ce fut une bonne décision. Martin Brodeur, à court et moyen termes, a sacrifié quelques millions, mais a gagné une excellente équipe. À long terme, cette bonne équipe lui aura permis de dépasser Roy. Si Jacques Villeneuve avait pris une décision semblable en acceptant l'offre de Renault au lieu de rester chez BAR pour faire plaisir (et l'affaire) à Craig Pollock, il se serait retiré avec une gloire autrement plus scintillante.

Je connais bien les deux gaillards. Martin est plus souriant, plus affable jour après jour. Certainement chaleureux dans son accueil. Patrick peut être abrasif quand il n'est pas de bonne humeur et certaines rencontres ont été glaciales. Mais ils ont des personnalités fort différentes dont on pourrait longuement discuter en d'autres circonstances.

Il n'y a qu'un match où Martin Brodeur, selon moi, aura été traité injustement. C'était à Nagano. Patrick Roy et Dominik Hasek s'étaient livré un grand duel aux Jeux olympiques. Martin Brodeur était le remplaçant de Roy. Pour le match de la médaille de bronze contre la Finlande, j'étais convaincu que Martin aurait sa chance.

C'est pourtant Patrick Roy qui a été choisi pour le match. Que le Canada a perdu.

Ce soir, quoiqu'il arrive, les deux hommes méritent d'être applaudis.

Et le 1000e de Brisebois

Dans l'absolu, le 1000e match en carrière de Patrice Brisebois ne se compare pas aux 551 victoires des deux autres vedettes de la soirée.

Mais 1000 matchs dans ce circuit, où les meilleurs joueurs au monde se battent pour les millions, les victoires et un poste pour jouer, c'est également un exploit.

Patrice Brisebois aura été trop souvent un mal-aimé au Centre Bell. Seuls ses proches peuvent savoir à quel point on lui a fait mal. Lui aussi a vécu des nuits d'insomnie.

Mais appuyé par Bob Gainey et Guy Carbonneau, il est venu terminer sa carrière dans une belle humilité. Et j'oserais dire dans la dignité. Il a accepté qu'on le fasse jouer beaucoup, beaucoup. Il a accepté qu'on lui fasse réchauffer le banc. Il a accepté d'être relégué à la passerelle. Il s'est donné pour son équipe et ses camarades. Dans les limites de ses moyens, que les vrais connaisseurs savaient apprécier. Bonnes passes, bon sens du jeu, bon tir et instinct très sûr pour relancer l'attaque. Avec une tendance à commettre une erreur particulièrement voyante au mauvais moment. Mais ceux qui dirigent les équipes savent qu'il faut parfois être prêt à prendre un risque pour obtenir un peu de créativité.

Il prendra vraisemblablement sa retraite à la fin de la saison. Si c'est le cas, il aura mérité de s'amuser avec sa Ferrari et ses projets d'affaires au mont Tremblant.

Pas un saint, pas un gars parfait, mais une belle personne. Point final.