Lucian Bute voulait prouver à ses détracteurs que sa quasi-défaite aux mains de Librado Andrade était un accident de parcours. Il peut dire mission accomplie.

Il ne manquait pas de gérants d'estrades ces derniers jours pour laisser entendre que Bute en arracherait à son retour dans le ring, moins de cinq mois après avoir été envoyé au tapis par Andrade dans les dernières secondes de leur combat de championnat du monde des super-moyens de l'IBF. Bute revient trop vite, entendait-on. Le doute va désormais l'habiter. Il va en avoir plein les bras avec Fulgencio Zuniga, un boxeur coulé dans le même moule qu'Andrade, à la différence - importante - qu'il frappe pas mal plus fort.

Ce n'est pas la première fois que les experts se plantent. Ni la dernière, je présume.

Contre Zuniga, un adversaire dont les trois seules défaites en carrière étaient survenues contre des champions du monde (Kelly Pavlik, Daniel Santos et Denis Inkin), le gaucher d'origine roumaine a été «presque parfait», pour reprendre l'évaluation qu'il a faite de sa performance. «Je lui ai donné une leçon de boxe», a-t-il dit.

Difficile de le contredire. Vif comme à son habitude, rapide dans la contre-attaque, habile à déceler les ouvertures et d'une grande précision dans ses coups - il a placé sa gauche presque à volonté -, Bute a fait monter la pression d'un cran à chacun des trois premiers rounds, avant de mettre toute la gomme à la quatrième reprise.

Il a couché Zuniga avec le coup de massue qui est sa signature depuis l'époque où il boxait chez les amateurs en Roumanie: un uppercut de la gauche au corps, que le Colombien a reçu non pas au foie, mais en plein plexus. Zuniga, le souffle coupé, a eu le courage de se relever, mais on savait que la fin n'était plus qu'une question de secondes. L'arbitre Lindsay Page Jr. n'a eu d'autre choix que de s'interposer.

Il faisait bon voir Bute après le combat. Derrière les blagues sur l'indigestion de cuir qu'il a fait subir à son adversaire, on sentait la fierté du boxeur qui a rivé leur clou à tous les Thomas qui refusaient de croire en lui. «J'ai pensé à vous», a-t-il lancé, mi-rieur, mi-accusateur, aux journalistes qui l'écoutaient.

Zuniga n'a pas caché son admiration pour Bute. «Il se déplace bien, il est intelligent et il possède une bonne technique. Il sait se battre», a-t-il dit. Selon le Colombien, Pavlik, actuel champion WBC et WBO des poids moyens, frappe plus fort. Mais quant à savoir qui est le meilleur, c'est «fifty-fifty», estime-t-il.

Quand on sait que Pavlik est considéré comme un des meilleurs boxeurs livre pour livre de la planète, ce n'est pas un mince compliment.

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La marque des vrais champions, c'est de savoir se relever. Lucian Bute vient de passer le test haut la main.

Ironiquement, Librado Andrade est apparu sur l'écran géant du Centre Bell juste avant le quatrième et dernier round. Il a reçu un accueil chaleureux de la foule. Les Montréalais semblent avoir adopté le sympathique Mexicain, qui s'entraîne au gymnase des frères Howard et Otis Grant, dans l'ouest de l'île.

Mais Andrade, à supposer qu'il vainque l'Ukrainien Vitaly Tsypko dans le match éliminatoire qui aura lieu le 4 avril au Centre Bell, ne sera pas nécessairement le prochain adversaire de Bute. Une défense optionnelle supplémentaire se profile en effet à l'horizon, vers le 20 juin, à Québec ou Montréal.

Qui serait l'adversaire de Bute ? Le matchmaker d'InterBox, Don Majesky, a avancé les noms du champion WBC des super-moyens, Carl Froch, et de Jermain Taylor, qui s'affronteront au Connecticut, le 25 avril. Il a aussi mentionné Allan Green et Carlos de Leon Jr., qui se battront sur la même carte.

Il faudra voir ce qu'en pense Showtime, dont les dirigeants ont sûrement aimé le spectacle offert hier par Bute. À vue de nez, toutefois, un combat d'unification contre le gagnant du duel opposant Froch (tombeur de Jean Pascal en décembre) à Taylor semble un peu prématuré. Surtout que l'intérêt de la télé risque d'être moindre si c'est Froch, un Britannique, qui l'emporte le mois prochain.

Stéphan Larouche a raison de dire qu'«à ce niveau, tout est une question d'argent. Tu n'as peur de personne, à condition que l'argent soit à la hauteur». Sauf que pour vraiment passer à la caisse, pour affronter un Kelly Pavlik ou un Mikkel Kessler, mettons, Bute devra vraisemblablement patienter jusqu'en 2010 - à condition de demeurer champion du monde d'ici là, bien sûr. S'il continue de boxer comme il l'a fait vendredi, il ne devrait pas avoir trop de mal à y parvenir.

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Mégalo sur les bords

InterBox avait promis de donner un coup de main au Groupe Spectacles Gillett dans la promotion du gala «Unification» du 4 avril, dont la finale opposera les champions WBC et WBO des super-légers, les Américains Timothy Bradley et Kendall Holt. Chose promise, chose due : le programme de la soirée distribué aux 12 153 spectateurs contenait une pub pleine page.

C'est le genre de coup de pouce dont a sérieusement besoin le Groupe Spectacles Gillett, devenu promoteur de facto après le défaut de ChoKO Boxing de payer aux promoteurs des deux boxeurs les 250 000$ US qu'il leur devait. La rumeur veut que le gala, pourtant très prometteur (le combat Andrade-Tsypko est également aussi au programme), se vende très mal. Franchement, fallait être mégalo sur les bords pour espérer remplir le Centre Bell. Si même Lucian Bute ne passe pas proche...