Plus que jamais, l'avenir de Lucian Bute et d'InterBox passe par les États-Unis et par les liasses de billets verts des réseaux de télé américains.

Comme sa victoire controversée contre Librado Andrade, l'automne dernier, le combat de championnat du monde que livrera Bute au Colombien Fulgencio Zuniga, ce soir, sera présenté en direct aux États-Unis dans le cadre de la série ShoBox: The New Generation du réseau Showtime.

C'est bien, mais ce n'est pas encore les grandes ligues. Bute est peut-être champion des super-moyens de l'IBF, il fait peut-être courir les foules à Montréal, mais il ne fait pas encore éclater l'audimètre et ne présente ses combats en prime time le samedi soir.

Il y a deux semaines, le PDG du Groupe Sportscène, qui regroupe Interbox et la Cage aux sports, Jean Bédard, s'est rendu aux États-Unis afin de discuter avec les dirigeants de Showtime et HBO, les deux incontournables chaînes télé du monde de la boxe.

Il est revenu convaincu de l'urgence, pour Bute, d'entreprendre une nouvelle phase de sa carrière, celle qui le mènera le plus rapidement possible à un lucratif méga-combat. «On est rendu à une étape où les choses sont mûres. Il faut viser un combat majeur en 2010», estime Bédard. Et qui dit combat majeur, dit télé américaine. «L'argent de la télé américaine, c'est ce qui nous permettrait de payer davantage Lucian et son adversaire.»

Autrement dit, Bute peut jouer la carte de la prudence, éviter les ténors de sa division et faire l'essentiel de sa carrière à Montréal, où 80% des revenus d'InterBox proviennent de la vente de billets. Ou il peut se mouiller, affronter les meilleurs et passer à la caisse.

Pour Bute, une victoire ce soir contre Zuniga mettrait la table à une défense obligatoire, cet automne, de sa ceinture des super-moyens de l'IBF. Il affronterait le vainqueur du combat éliminatoire entre Andrade et Vitaly Tsypko, qui aura lieu le 4 avril au Centre Bell.

Le clan Bute souhaite évidemment une victoire d'Andrade. Un match-revanche, a fortiori si l'adversaire, comme Andrade, s'entraîne à Montréal et y jouit d'une popularité certaine, est pas mal plus vendeur qu'un combat contre un adversaire ukrainien plus ou moins connu au Québec.

Une victoire contre Andrade ou Tsypko paverait la voie au méga-combat que Bute et son clan appellent de leurs voeux, assure Jean Bédard, qui ne doute pas que les télés américaines embarqueraient. «Elles visent des boxeurs américains en premier lieu. Mais si un gars a fait le ménage dans sa division, elles vont le suivre, comme elles l'ont fait pour Arthur Abraham, Mikkel Kessler ou Joe Calzaghe. C'est la condition pour débloquer à la télé américaine. Il va falloir que Lucian fasse des statements.»

Selon Bédard, le réseau HBO ne demanderait pas mieux que de présenter un combat entre Bute et Kelly Pavlik, actuel champion des poids moyens du WBC et de la WBO. D'autres noms qui circulent sont ceux d'Andre Dirrell et Andre Ward, deux médaillés des Jeux olympiques d'Athènes invaincus en 17 et 18 combats, respectivement. «Leurs noms sont revenus dans toutes les conversations qu'on a eues. Ce sont des vedettes montantes pour qui Lucian est perçu comme une bonne cible. Mais qu'a-t-on à gagner contre ces jeunes loups? Il faudrait que ça vaille la peine», dit Bédard.

Plutôt Kessler

L'affrontement qui semble le plus allumer le grand patron d'InterBox opposerait Bute à Mikkel Kessler. Le tombeur d'Éric Lucas, dont la seule défaite en 42 combats est survenue aux mains du Gallois Calzaghe, est champion WBA des super-moyens.

Les gens d'InterBox et le promoteur septuagénaire de Kessler, Mogens Palle, ont noué de bonnes relations lors du combat Lucas-Kessler, en janvier 2006. «Avant de finir sa carrière, Palle aimerait organiser un combat entre Kessler et Bute. C'est clair», affirme Bédard, qui croit qu'un tel combat pourrait rapporter à Bute une bourse «dans les sept chiffres».

Après un tel combat, gagne ou perd, le temps serait venu pour un affrontement entre Bute et Jean Pascal, qui s'est vaillamment battu dans sa défaite aux mains de Carl Froch, en championnat du monde du WBC, en décembre. «Il y a deux ans, la magnitude n'aurait pas été la même, dit Bédard. Lucian n'était pas encore champion et Jean Pascal était encore une jeune recrue. Mais là, pourquoi pas? J'aimerais ça!»

Bute-Pascal? Je ne sais pas ce que les cousins américains en diraient, ni si cela coïnciderait avec les plans du Groupe Yvon Michel pour Pascal. Mais à Montréal, ça casserait la baraque. C'est bien beau de protéger ses boxeurs, mais il faut aussi savoir faire plaisir aux amateurs de boxe.

Il faudra juste que les astres s'alignent au cours de la prochaine année. Pour Bute, ça commence ce soir, par une nécessaire victoire contre Zuniga.