Stephen Harper dirige les destinées du Canada depuis maintenant trois ans. Combien de fois a-t-il reçu ou visité les hauts dirigeants de la Chine? Zéro.

À la faveur d'une croissance fulgurante, l'empire du Milieu s'est hissé au deuxième rang des puissances économiques de la planète. Pendant ce temps, le premier ministre n'a pas jugé bon de tisser des liens étroits avec la Chine. Pire encore, M. Harper a boudé la cérémonie d'ouverture des Jeux de Pékin et, insulte suprême, a levé le nez sur l'invitation du président Hu Jintao d'aller lui serrer la main devant les caméras du monde entier.

 

Les prédécesseurs de M. Harper, Jean Chrétien et Paul Martin, avaient saisi l'importance de bâtir des ponts avec la Chine en effectuant 16 visites en 10 ans et en y pilotant des missions commerciales. Depuis 2006, le contact a subitement été coupé. Le gouvernement conservateur ne répond plus.

Ce faisant, M. Harper a totalement manqué de flair économique et laissé tomber les milieux d'affaires canadiens. Compte tenu de la profonde crise qui frappe les États-Unis, le Canada aurait avantage à réduire sa dépendance face aux Américains en développant de nouveaux marchés. Et le potentiel de la Chine est immense, d'autant plus qu'elle se relèvera peut-être de la récession mondiale bien avant les Américains.

Dans une économie contrôlée par l'État, comme celle de la Chine, les bonnes relations sont primordiales pour favoriser les échanges commerciaux. Or, selon un rapport de l'Institut Fraser rendu public ces derniers jours, le Canada est carrément en train de manquer le bateau, en ne tirant pas profit des énormes opportunités que la Chine offre.

Le Canada se fait notamment damer le pion par la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui ont mieux joué leurs cartes en concluant des ententes bilatérales, proches du libre-échange. L'ancien ministre conservateur des Affaires étrangères, David Emerson, déplore lui-même la mollesse du gouvernement Harper dans ce dossier.

Seulement 2% de nos exportations en 2007 ont pris le chemin de la Chine, comparativement à 80% vers les États-Unis. Quant aux importations, le Canada a acheté 9% de ses biens en Chine, mais plus de 50% aux États-Unis. Le Québec ne vend annuellement qu'un maigre 800 millions en produits au géant asiatique.

Le portrait est encore plus sombre au chapitre des investissements directs chinois: un minime 0,1% est canalisé vers le Canada. Au moment où les Chinois placent leurs pions à l'étranger à coups de dizaines de milliards, entre autres en Russie, au Brésil, en Europe et en Australie.

Des sources bancaires à Hong-Kong laissent entendre que les fonds souverains chinois ont les ressources canadiennes dans leur ligne de mire, dans la mesure où la réglementation fédérale ne leur mettra pas trop les bâtons dans les roues.

Ces derniers jours, le gouvernement canadien est finalement sorti de sa torpeur. Le ministre du Commerce international, Stockwell Day, se rendra en Chine en avril pour inaugurer six bureaux commerciaux. Mais qu'attend donc le premier ministre pour dégeler lui-même ses relations avec la Chine en invitant ses hauts dirigeants? Il serait temps qu'il mette son pousse-pousse en mode TGV.

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