À leurs creux d'hier, les indices phare de la Bourse de New York, le Dow Jones et le S&P 500, affichaient des baisses respectives de 53 et 56% par rapport à leurs sommets historiques de l'automne 2007. Pour Wall Street, il s'agit du pire marché baissier depuis la déconfiture de 1929-32. Pour sa part, le baromètre de la Bourse canadienne, le S&P/TSX Composite, accuse une dramatique chute de 50% par rapport à son sommet historique de juin 2008.

Question: avons-nous, enfin, touché le creux du présent bear market, c'est-à-dire de l'actuel cycle baissier? Je nous le souhaite du plus profond de mon portefeuille, pardon de mon coeur... Mais j'avoue qu'il s'agit ici d'un niveau de plancher bien fragile.

 

Le niveau de découragement des investisseurs est tellement élevé qu'il suffirait de trois à quatre autres grosses mauvaises nouvelles bancaires (et Dieu sait que le monde de la haute finance en est capable) pour faire replonger les marchés boursiers vers de nouveaux abîmes.

La prochaine cible non souhaitée? Avec son repli de 56%, le S&P 500 de Wall Street n'est plus qu'à sept points de pourcentage du recul historique que la Bourse du Japon avait enregistré lors de son bear market du début des années 90. L'indice japonais Nikkei avait plongé à l'époque de 63%, passant d'un sommet de 38 915 points (le 29 décembre 1989) à seulement 14 309 points (août 1992).

Vous rappelez-vous quelle était la principale cause de la gigantesque déconfiture de 63% de l'indice japonais? L'élément déclencheur était une crise bancaire, provoquée par l'éclatement simultané ou presque de deux bulles, immobilière et boursière.

Quelle est la principale cause de l'actuelle crise financière qui frappe Wall Street, et par ricochet la planète tout entière? Eh oui! c'est une crise bancaire, issue là aussi de l'éclatement simultané ou presque de deux bulles, immobilière et boursière. Aux États-Unis cette fois.

Mais on a un épineux problème de plus sur les bras. La présente crise bancaire est énormément plus grosse que l'ancienne crise bancaire japonaise, et ce, en raison des marchés astronomiques qui sont en jeu. Non seulement le marché immobilier américain est nettement plus gros que le marché japonais, mais le secteur bancaire et financier américain équivaut à lui seul plus du tiers du marché mondial.

Deuxième contrainte majeure: on ne connaît pas la profondeur de la présente crise financière. Chaque semaine, des grandes institutions financières, par qui est arrivée la déconfiture, sortent de leurs placards des squelettes de produits dérivés, tous plus tordus les uns que les autres. Des dizaines de milliards de pertes bancaires s'additionnent au fil des semaines, et c'est sans fin... depuis l'automne dernier.

Si, ô malheur pour nos portefeuilles et régimes de retraite, Wall Street franchissait la barre de ce triste record japonais d'une perte de 63% pour l'indice Nikkei, il ne lui resterait plus qu'à mettre le cap sur le record de tous les temps pour un bear market, soit la chute de 86% enregistrée par la Bourse de New York lors du cycle baissier de 1929 à 1932.

Rassurez-vous, les «chances» d'atteindre cette vieille cible sont nulles... ou quasi nulles.

Lors du bear market de 1929-1932, on était non pas en récession mais en grande dépression économique. Le taux de chômage dépassait les 30%, des milliers de banques avaient déclaré faillite, les programmes d'aide sociale étaient inexistants, aucun plan gouvernemental de relance économique n'aboutissait, le crédit était devenu inaccessible aux individus et aux entreprises, etc.

Aujourd'hui, on se retrouve avec des programmes gouvernementaux de relance économique qui fusent de tous les coins de la planète; les banques centrales (comme la Réserve fédérale américaine, la Banque du Canada, etc.) sont proactives; les dépôts des épargnants sont protégés (jusqu'à 250 000$ aux USA et 100 000$ au Canada); les chômeurs reçoivent des prestations d'assurance-emploi...

En dépit des lourdes conséquences économiques qui nous affligent, nous bénéficions collectivement d'une certaine protection financière en ces temps de récession.

Aujourd'hui, le Nikkei se négocie à la moitié de son creux de 1992, soit à seulement 7230 points. Par rapport à son sommet historique de décembre 1989, le Nikkei accuse aujourd'hui un recul de 81,5%.

Un tel hypothétique recul ramènerait le Dow Jones d'un sommet historique de 14 198 points à seulement 2627 points (creux actuel: 6705 points) et le S&P/TSX de 15 154 points à 2804 points (creux actuel: 7501 points).

Oubliez cela... Je faisais un cauchemar! Et osons rêver que le creux du présent bear market a été atteint!