De toutes les caisses de retraite au Canada dont l'actif sous gestion dépasse le milliard de dollars, c'est la Caisse de dépôt et placement du Québec qui a enregistré la pire déconfiture de l'année 2008. Elle a fini l'année complètement à la queue, selon les données exclusives recueillies par La Presse Affaires sur l'indice de référence des grandes caisses de retraite, le RBC Dexia.

À preuve, la Caisse a déclaré une perte de 25%, alors que la contre-performance au niveau du 95e centile de l'indice de référence RBC Dexia atteignait déjà -22,71%. Avec son -25%, la Caisse se retrouve donc au bout... de la queue des caisses les plus «poches» de l'année 2008.

 

Dans les documents déposés hier, la direction de la Caisse se contente de dire que sa contre-performance de -25% la classe dans le quatrième quartile des caisses de retraite canadiennes. C'est vrai... mais on omet de préciser que le quatrième quartile commençait à -19,72%, donc loin devant la Caisse. Les meilleurs gestionnaires de caisses de retraite présentent une fiche négative de seulement -9,7% pour l'ensemble de l'année 2008.

Sur la quarantaine de milliards de dollars (39,8) de pertes déclarées par la Caisse en 2008, à combien évalue-t-on les conséquences financières de la mauvaise gestion directement imputable aux gestionnaires de la Caisse? À rien de moins que 10,3 milliards de dollars. Voilà le «coût» de la mauvaise gestion de la Caisse.

Comment en arrive-t-on à calculer ce «coût» malencontreux? En utilisant comme base de calcul la performance médiane de l'indice de référence RBC Dexia, laquelle s'élève à -18,4% pour l'année 2008. Le «coût» des 10,3 milliards représente tout simplement le montant de la perte supplémentaire attribuable à la contre-performance personnelle des gestionnaires de portefeuille de la Caisse.

Pour justifier le grand écart de performance entre la Caisse et les autres grandes caisses canadiennes, la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec a évoqué, comme premier facteur, le coût élevé (8,9 milliards) de la protection contre le risque de change de ses placements étrangers (Bourse, placements privés, placements immobiliers). Comme on sait, le dollar canadien a subi en 2008 une forte dévaluation.

Deuxième facteur qui a joué contre le rendement de la Caisse en 2008: sa position dans le fameux papier commercial adossé à des actifs non bancaires. La Caisse a dû dévaluer la valeur de ce controversé placement (valeur initiale de 12,8 milliards) d'un montant supplémentaire de 4 milliards.

Mais en cette dramatique semaine pour notre épargne-retraite, la Caisse avait tout de même une bonne nouvelle à nous annoncer! Sur les 63 milliards de dollars de profits que l'équipe d'Henri-Paul Rousseau avait réussi à engranger au fil de ses cinq premières années à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec, il en restait, à la fin de 2008, encore 23 milliards, non encore flambés. Ouf!

Je dis «en restait», parce que, depuis le début de l'année, les portefeuilles des caisses de retraite ont continué de se détériorer à la vitesse grand V, se faisant frapper sur tous les flancs, Bourse, immobilier, placements privés... Juste en Bourse, les pertes en ce début d'année atteignent de 15 à 20%. Espérons que le vent change de bord d'ici la fin de l'année!

Ç'aurait pu être pire...

Revenons à notre désastre local. Vous allez me dire: il fallait tout de même jouer gros en 2008 pour «réussir» à flamber 40 milliards en l'espace d'un an. Oui! mais dites-vous que ç'aurait pu être pire... Grisés par le succès des années précédentes, des gestionnaires de portefeuille de la Caisse ont vraisemblablement été victimes d'un abus de confiance dans leurs stratégies de placement. Ou ils ont carrément manqué de modération et de prudence élémentaire... Comme cela arrive aux grands joueurs de casino. Plus ils sont «riches», plus ils perdent des sommes astronomiques!

D'ailleurs, comment peut-on expliquer la grande contre-performance de plusieurs portefeuilles spécialisés de la Caisse par rapport à leurs indices comparatifs de référence?

Prenons les actions américaines. La «sous-performance» de la Caisse dépasse les six points de pourcentage. Au chapitre du portefeuille des actions des marchés en émergence, on parle de trois points de pourcentage.

Au niveau des placements privés et du portefeuille des participations et des infrastructures, l'écart en défaveur des gestionnaires de la Caisse grimpe à plus de huit points de pourcentage.

Du côté des immeubles, c'est tout simplement catastrophique, alors que la Caisse accuse une perte de valeur de 22% comparativement à un recul de seulement 3,4% pour l'indice comparatif.

La Caisse fait piètre figure même avec ses portefeuilles de placements à revenu fixe où elle accuse sur les indices de référence un recul allant 1,5 à 2,6 points de pourcentage.

Le piteux état de la Caisse étant dévoilé, place maintenant à la Commission parlementaire.

À tous ceux qui veulent lapider sur la place publique Henri-Paul Rousseau et son ancienne équipe, et ils sont très nombreux, je me permets de lancer un petit «rappel» au calme.

La déconfiture de la Caisse est survenue dans le cadre d'une crise financière planétaire, la plus violente depuis la Grande Dépression des années 30. Les gestionnaires de la Caisse ont certes connu une année désastreuse en 2008... Mais n'oublions pas que la prise de risque qu'on dénonce aujourd'hui a permis à cette même équipe d'enregistrer des années extraordinaires durant les cinq années précédentes!

 

Points saillants : la caisse en 2008

Rendement négatif de 25%, soit une performance nettement inférieure aux grandes caisses de retraite canadiennes, dont le rendement moyen s'est établi à moins 18,4%.

L'actif géré par la Caisse a fondu de 39,8 milliards. En tenant compte des dépôts nets de 4,6 milliards, l'actif net des déposants est passé de 155,4 milliards à 120,1 milliards.

Provision de 5,6 milliards relativement à ses investissements dans le papier commercial adossé à des actifs (PCAA); sans le PCAA, la Caisse enregistrerait sur cinq ans une performance supérieure à la moyenne des autres fonds de retraite canadiens (4,1%, par rapport à 3,6%).

Face à la crise financière mondiale, modification de la répartition de son actif afin de réduire son exposition aux marchés boursiers; le poids des placements en revenu fixe est ainsi passé de 30 à 44%, alors que le poids du secteur des marchés boursiers a fondu de 36 à 22%.