S'excuser ne coûte rien. Mais apparemment, c'est au-dessus de ses moyens quand on voit ses placements fondre de 39,8 milliards de dollars.

À un journaliste qui lui demandait si la Caisse devait présenter ses excuses aux Québécois pour avoir investi massivement dans le papier commercial adossé à des actifs (PCAA), Fernand Perreault, président par intérim, a sèchement répondu: «Je ne le crois pas.»

 

Fernand Perreault a parlé de l'«erreur d'en avoir accumulé autant», erreur qu'il a ensuite qualifiée de «regrettable». Mais confrontés aux critiques qui mitraillent la Caisse, lui et ses collègues n'ont pas fait acte de contrition, hier, lorsqu'ils se sont présentés devant les journalistes avec leur tête de patient qui attend de se faire arracher une dent de sagesse chez le dentiste.

La haute direction de la Caisse a bien cherché à défendre son bilan 2008, en enjolivant la réalité et en passant très rapidement sur certains ratés qui avaient échappé à notre attention, notamment dans la répartition de l'actif. L'opération relations publiques a frisé le ridicule lorsque l'institution a eu le culot, disons le franchement, de présenter ses résultats «sans le facteur PCAA».

C'est à peu près comme si je vous disais: abstraction du fait que je souffre actuellement d'une dépression, je me porte vraiment très bien. Et si je ne souris pas, je sais que, un jour, je serai de nouveau heureuse.

Personne n'a été dupe. Car en dépit de la violence de cette crise financière, les faits demeurent accablants. Ce n'est pas tant que la Caisse affiche un rendement négatif de -25% que celui-ci est fort éloigné de son indice de référence. Cet écart est de 6,6%, un gouffre pour les gestionnaires de fonds.

En comparaison, l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, la caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario et l'équivalent de la caisse en Alberta affichent des rendements de -14,4%, de -15,3% et de -16%.

En 2008, la Caisse a perdu son statut de première classe. L'institution se classe dans le troisième quartile sur cinq ans avec un timide rendement annuel de 3,1%.

C'est le PCAA, cet investissement à court terme qui était censé être sécuritaire, mais qui a été contaminé par les hypothèques à haut risque, qui explique le gros de la déconfiture. Cela, tous le devinaient.

Ce qu'on ignorait, c'est l'étendue des pertes en immobilier, un désastre. Ce portefeuille a reculé de 21,9%, alors que l'indice des immeubles baissait de 3,4%.

Grosso modo, la moitié de cette chute s'explique par les marchés sur lesquels la Caisse a choisi d'investir, qui sont actuellement au plus mal. La Caisse est notamment propriétaire de tours à bureaux et d'immeubles résidentiels à New York et à Londres!

L'autre moitié de cette chute s'explique par la politique de couverture de la Caisse. Voilà 15 ans que la Caisse se protège entièrement contre les fluctuations des devises sur ses immeubles à l'étranger, qui représentent 60% de son portefeuille immobilier. Cette politique, qui s'applique aussi à ses placements privés, lui a fait débourser une fortune l'automne dernier, soit 8,9 milliards de dollars, alors que le dollar canadien s'est affaissé vis à vis du dollar américain.

De crainte que cette chute ne se poursuive, la Caisse a fermé en catastrophe des contrats pour éviter de coûteux appels de marge. Son taux de couverture a chuté à près de 80%.

La Caisse ne spéculait pas ici, contrairement à l'information qui circulait et que l'institution a mis des mois à démentir. Ce qui ne signifie pas que la Caisse ne pariait pas ailleurs.

La Caisse a perdu 2 milliards avec ses activités de «répartition de l'actif». Mais seulement le quart de cette perte s'explique véritablement par des mauvais choix entre les catégories de placements, a expliqué Fernand Perreault en entrevue à La Presse.

La Caisse a perdu autour de 1,5 milliard en achetant des options et des contrats à terme sur les indices boursiers, les taux d'intérêt, etc. Ces opérations étaient menées par une équipe d'employés du groupe de la répartition des actifs, dirigé par Richard Guay. Mais leurs activités n'avaient rien à voir avec la répartition de l'actif, a reconnu Fernand Perreault.

«J'ai tout fermé et tout arrêté ces activités, parce que les marchés financiers sont fous en ce moment et que ce n'est plus le temps de prendre des positions», a dit le président de la Caisse. Ainsi, Fernand Perreault n'a pas attendu d'avoir terminé son examen approfondi de l'institution, qui a toujours cours, avant de faire ce geste.

La Caisse a beau s'évertuer à dire qu'elle n'a pas «pris des risques inconsidérés», on ne peut faire autrement que de penser qu'elle s'est comportée de façon téméraire. Sa gestion du risque ne comprenait pas de scénario du pire, soit un marché paralysé, en totale illiquidité. D'ailleurs, la responsable de cette politique, Susan Kudzman, a baragouiné hier lorsqu'on lui a demandé de l'expliquer en des termes simples.

Les décisions prises par la Caisse depuis la crise du PCAA en disent toutefois très long sur le changement de philosophie qui s'opère actuellement à l'institution. La Caisse a changé de façon significative sa répartition d'actif. Le poids des actions est tombé de 36% à 22%.

Il y a un moratoire sur les investissements dans les nouveaux produits financiers exotiques. La Caisse exigera l'avis d'au moins deux agences de notation de crédit sur chaque produit. L'institution est aussi en voie de recruter des spécialistes de la gestion du risque qui travailleront dans tous les secteurs, aux plus hauts niveaux.

Est-ce que ce sera assez pour que les 25 déposants de la Caisse et plus largement le Québec retrouve confiance en la Caisse? La côte sera longue à remonter.