L'Association humaniste du Québec financera une modeste campagne de publicité véhiculée aux flancs de 10 autobus montréalais et destinée à promouvoir l'athéisme. L'affichage se fera du 2 au 27 mars. Comme les badauds de plusieurs autres villes dans le monde, les Montréalais pourront lire: «Dieu n'existe probablement pas. Alors, cessez de vous inquiéter et profitez de la vie.»

Aussi anodin ce message puisse-t-il être, il dérange un certain nombre d'institutions dont la survie dépend de la ferveur religieuse.

Comme cela s'est fait ailleurs, l'AHQ financera cette publicité en faisant appel à la générosité et à la conscience du public. Au Canada anglais, la Freethought Association of Canada a recueilli 45 000$ pour soutenir de semblables campagnes.

 

Tout cela a débuté en Grande-Bretagne, sur les célèbres autobus londoniens. L'affaire s'est ensuite étendue au reste du monde. Ici, le réseau de transport public de Toronto accueille ces affiches. Mais d'autres sociétés paramunicipales, à Halifax et Ottawa en particulier, ont refusé. La Société de transport de Montréal, elle, a donc accepté.

Dans le passé, la STM a déjà véhiculé des pubs de l'Archevêché de Montréal. Il lui est également arrivé de refuser des affiches: il y a un an, l'image proposée pour promouvoir la pièce de théâtre Blastée, qui montrait un homme ensanglanté, avait ainsi été écartée. L'organisme n'a pas de politique particulière en ce qui concerne les messages à saveur religieuse... ou athée.

«Est-ce que ça peut faire problème?» demande, inquiète, une porte-parole de la STM à La Presse.

Hélas! Oui, ça peut.

Le Canada Christian College, l'évêque catholique de Calgary et le Conseil suprême islamique du Canada ont notamment protesté au Canada anglais, certains qualifiant la publicité d'«attaque» ou d'«offense» à l'endroit des croyants.

Pourtant, il s'agit littéralement d'une oeuvre de salubrité intellectuelle et morale. Depuis 2001, en particulier, la place qu'occupent les divers dieux dans l'espace public (un message disséminé parfois de façon posée, mais parfois aussi de façon violente et intolérante) est devenue gigantesque.

Fort heureusement, il commence à y avoir une saine réaction à ce phénomène, dont la campagne d'origine britannique est un exemple.

Depuis quelques mois, des plaidoyers sous forme d'essais de Richard Dawkins ou Christopher Hitchens sont devenus des best-sellers. À Washington, il y a un mois, un président américain a pour la première fois parlé des athées (on en trouve 16% aux États-Unis) dans son discours inaugural. À Hollywood, le documentaire de l'année 2008 aura certainement été Religulous, avec Bill Maher, qui jette un regard aussi désopilant que désespérant surtout sur les diverses déclinaisons du christianisme - Maher se montre beaucoup plus prudent avec les autres fois monothéistes...

Et cette résurrection (!) d'un militantisme athée plutôt soft serait «offensante»? L'argument se retourne: certaines manifestations de la foi peuvent aussi «offenser» ceux que les dieux exaspèrent ou laissent indifférents.

Jusqu'à nouvel ordre, ils ont droit de parole, eux aussi.

mroy@lapresse.ca