Tel qu'anticipé dans ma chronique de mercredi dernier, une demande de recours collectif sur les frais d'intérêt facturés par Hydro-Québec à ses clients vient d'être déposée en Cour supérieure. La requête sera entendue le 20 avril prochain.

La source du litige? Hydro-Québec ne respecterait pas la Loi canadienne sur l'intérêt. Cette loi exige de la part des entreprises la publication du taux d'intérêt annuel que représente l'intérêt mensuel payable sur les comptes payés en retard. À défaut de donner ledit taux annuel, les entreprises ne peuvent réclamer qu'un taux maximum de 5%. Or, sur ses nouvelles factures en vigueur depuis 2008, Hydro ne mentionne que le taux mensuel de 1,2%, omettant ainsi de mentionner aux clients que cela représente au bout du compte un taux annuel de 14,40% (12 x 1,2%) ou de 15,38% (taux mensuel composé). Il s'agit ici d'un changement de politique car avant 2008, Hydro-Québec mentionnait toujours sur ses factures le taux annuel... des intérêts facturés aux retardataires.

 

Comme le taux annuel n'est plus indiqué sur les factures, conséquemment Hydro-Québec devrait être tenu de rembourser à ses clients l'excédent de taux d'intérêt (les deux tiers) que la société d'État leur a facturé depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle facture en 2008.

La somme en jeu est fort importante. À titre d'indication préliminaire, pour la seule année 2007, Hydro-Québec a perçu de ses clients retardataires la somme de 43,5 millions de dollars en frais d'intérêt, dont 38,8 millions (soit 73%) provenaient de la clientèle résidentielle. Les prévisions pour 2008 et 2009 sont respectivement de 41 millions et de 47 millions.

Si la demande de recours collectif est acceptée, le cabinet Paquette Gadler réclamera à Hydro-Québec, en plus des frais d'intérêt payés en trop, un dédommagement pour les clients visés. Dans un tel cas, la facture totale pourrait dépasser les 100 millions de dollars...

Une question s'impose immédiatement. Compte tenu des exigences de la Loi sur l'intérêt, est-ce que Hydro-Québec va s'harmoniser en ajoutant sur ses factures le taux annuel...? ai-je demandé à Hydro-Québec.

Réponse de la société d'État: «La Loi sur l'intérêt ne s'applique pas aux frais d'administration mentionnés sur la facture.»

Toute la défense d'Hydro-Québec réside là. La direction d'Hydro-Québec ne se sent absolument pas concernée par les exigences de la Loi canadienne sur l'intérêt. La raison évoquée: Hydro-Québec ne facture pas à ses clients retardataires des frais d'intérêt... mais plutôt des «frais d'administration».

Voilà la porte de sortie qui fait dire à Hydro-Québec que «la Loi sur l'intérêt ne s'applique pas» aux frais de 1,2% par mois que facture Hydro-Québec aux clients retardataires.

Et pour justifier sa position sur la non-applicabilité de la Loi sur l'intérêt, Hydro-Québec ajoute que les tribunaux, au début des années 80, lui avaient déjà donné raison sur lesdits frais d'administration!

Mais quoi qu'il en soit de l'avenir de ce litige entre Hydro-Québec et ses clients, la société d'État tient à donner les précisions suivantes au sujet du contrat «liant» Hydro-Québec et chacun de ses clients.

«Le taux annuel des frais d'administration est indiqué au contrat... Ce contrat, ajoute-t-on, est constitué des Conditions de service d'électricité et des Tarifs et conditions du distributeur, tous deux fixés par la Régie de l'énergie. Par voie de conséquence, au-delà des décisions des tribunaux, Hydro-Québec respecte les prescriptions (sur le taux annuel) de l'article 4 de la Loi sur l'intérêt.»

Et Hydro-Québec en tire la conclusion suivante: «Ainsi la facture envoyée au client comporte de nombreuses informations mais ne constitue pas le contrat entre le client et Hydro-Québec.»

Pour connaître le taux annuel des frais d'intérêt (pardon d'administration...) facturés aux clients retardataires, il suffisait donc de trouver les deux documents et de lire les 200 pages.

Cela dit, avant 2008, le contrat sur les conditions et les tarifs existait également et Hydro-Québec prenait la peine d'indiquer sur ses factures le taux annuel de ses frais.

«Payer en retard entraîne des frais calculés à un taux composé de 1,2% par mois (15,38% par an) à partir de la date de facturation», indiquait-on sur la facture.

Cette information sur les frais a été modifiée comme suit: «Payer en retard entraîne des frais d'administration calculés au taux mensuel de 1,2% à partir de la date de facturation.»

Pourquoi a-t-on éliminé à partir de 2008 l'information sur le taux annuel?

Pour Hydro-Québec, ce sont des «frais d'administration» et non des frais d'intérêt... qui sont facturés aux retardataires. Dans les documents officiels sur les conditions et tarifs, on indique que le taux des frais en question est directement relié aux taux d'intérêt préférentiels!

Et dans les documents officiels, on indique que le taux des frais d'administration d'Hydro-Québec serait actuellement de «1,2% soit 15,38% l'an». Chez Hydro, on me signale que le taux en vigueur est 1,2% par mois, soit 14,40%.

Pas facile à suivre!