Contre-performance oblige, les institutions financières ne nous parlent pas beaucoup de rendement dans le cadre de la présente campagne REER. Pour attirer notre pognon, plusieurs optent pour une approche plus anodine que... pragmatique. Sauf le Fonds de solidarité de la FTQ!

À preuve, voici quelques exemples de messages publicitaires, suivis de mon grain de sel.

Desjardins: «Odile Cliche, 46 ans, arrose ses plantes à l'eau de pluie.» «Avec SociéTerre, vous alliez objectifs financiers et valeurs personnelles.» S'il faut de la pluie pour faire croître nos fonds, qu'il pleuve au plus vite!

 

Banque Nationale: «Grand galop et petit trot. Et action!» «Planifiez votre retraite et réalisez vos rêves.» Comment? «Nos conseillers ont les outils et les solutions qui vous aideront à mieux comprendre, planifier et agir.» Il ne reste plus qu'à trouver la solution pour faire de l'argent!

Banque Royale: «Imaginez. Réalisez. Des fonds qui inspirent confiance.» Si la confiance vient avec du rendement, je suis preneur!

Groupe Banque Scotia: «Pour rester dans la direction du bon sens, parlez à un conseiller Scotia. Nous pouvons vous aider à faire valoir vos avoirs. Vous êtes plus riche que vous le croyez.» À la lumière de mes relevés, je pensais le contraire. Ouf!

Épargne Placements Québec: «Pour épargner, vous êtes à la bonne place.» «Le nom le dit. Épargne... Placements Québec.» Un rendement plus généreux avec ça? Et on sera à la bonne enseigne.

Régie des rentes du Québec (RRQ): «À vos marques. Prêts? Planifiez! À gagner, un REER de 2500$» «jeplanifie.com». Voilà un bon conseil, surtout après les lourdes pertes du portefeuille de la RRQ géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Et en prime, une petite loterie. Mais c'est dont bien cute! comme dirait Guy A.

Qu'à cela ne tienne, je décerne cette année la palme promotionnelle de la campagne REER au Fonds de solidarité de la FTQ, soit le plus populaire REER auprès des Québécois.

Voici le texte de l'annonce, chapeautée par un jeune couple de retraités rayonnant de bonheur sur la passerelle d'un bateau, avec carte géographique à la main de monsieur: «Les petits bonheurs de la retraite, ça commence aujourd'hui. Le REER du Fonds de solidarité FTQ vous procure 30% plus d'économies d'impôt qu'un REER conventionnel. C'est 30% plus d'argent qui vous revient maintenant. À vous d'en profiter!»

De par les temps difficiles qu'on traverse à l'échelle de la planète, merci à la direction du Fonds de solidarité de nous faire rêver aux «petits bonheurs» en question.

Concernant toutefois les «30% plus d'économies d'impôt», minute S.V.P. Un peu de prudence. On n'investit pas dans un placement dans le but ultime d'économiser plus d'impôt. Si tel est l'objectif recherché, oubliez le Fonds de solidarité ou Fondaction de la CSN et investissez plutôt dans les actions accréditives. Les économies d'impôt sont deux fois plus élevées! Pour paraphraser le Fonds FTQ, ce serait donc 60% plus d'argent qui vous revient maintenant.

Je trouve qu'il s'agit ici d'une très mauvaise approche de l'épargne. Ce qui compte avant tout en matière d'épargne c'est: un, la qualité du placement (est-il spéculatif ou pas?); deux, sa solidité en période de crise financière; trois, sa liquidité (peut-on en le liquider facilement ou pas?); quatre, son rendement potentiel.

Soyons réaliste. Le Fonds de solidarité est en soi un placement de qualité «moyenne» en raison de la forte concentration de son portefeuille dans des PME strictement québécoises. Ce n'est pas un reproche. C'est la raison d'être du Fonds, pour permettre à ses actionnaires d'obtenir les crédits d'impôt de 30%.

Le Fonds s'est relativement bien débrouillé durant la période trouble de juin à novembre 2008, affichant un recul de 15,3% pour ces six mois. Question: quelle sera la performance du Fonds de décembre et à mai prochain, soit les six derniers mois de son actuel exercice financier? Jusqu'à présent, cette période est de plutôt mauvais augure pour la plupart des caisses de retraite.

Au chapitre de la liquidité, il est clair que le Fonds est pris dans un carcan nous empêchant d'accéder à nos épargnes avant la retraite ou pré-retraite.

Côté rendement?

À écouter les dirigeants du Fonds de solidarité, leurs actionnaires auraient obtenu un mirobolant rendement.

Voyons leurs explications.

Une récente étude commanditée par le Fonds FTQ a démontré, disent-ils, que «le REER du Fonds est plus payant qu'un REER au profil équilibré compte tenu de son rendement au fil des ans et de l'effet des crédits d'impôt de 30% accordés par les gouvernements aux actionnaires», comparativement aux REER conventionnels.

«Selon l'hypothèse d'un taux de rendement annualisé de 4% pour le Fonds et d'un taux marginal d'imposition de 38% pour un travailleur, pour être équivalent, un REER au profil équilibré (à 6% de rendement) devrait donner 32% de rendement sur cinq ans; 17% de rendement sur 10 ans; 10% de rendement sur 20 ans et 9% de rendement sur 25 ans.»

Comment parvient-on à proclamer de si spectaculaires rendements? En utilisant l'hypothèse qu'un placement annuel net après impôt de 1000$ dans le REER du Fonds équivaut à un placement brut de 3162$ à comparer à un placement brut de 1623$ dans un REER conventionnel. Et hop! la calculette s'occupe de calculer la supériorité du Fonds FTQ.

La réalité du portefeuille FTQ, maintenant.

Le cours actuel de l'action du Fonds de solidarité, soit 21,20$, est inférieur au niveau de 1998 (21,72$ l'action). C'est donc dire que le portefeuille REER des quelque 575 000 actionnaires du Fonds de la FTQ ne s'est aucunement apprécié depuis les 11 dernières années.

Pendant que le Fonds FTQ rapportait zéro de rendement, l'indice plafonné S&P/TSX de la Bourse canadienne s'appréciait, malgré la magistrale débandade de 2008, au rythme annuel composé de 6,21% au cours des 10 dernières années. L'indice canadien des obligations négociables, le DEX Univers, grimpait au rythme annuel composé de 5,99%. L'indice de référence des fonds diversifiés gagnait annuellement 4,29%. Les CPG de 5 ans et les bons du Trésor de 91 jours progressaient au rythme annuel composé de 3,7%.

Une chance que le Fonds FTQ rapporte 30%... de crédit d'impôt!