Ils ne l'avoueront jamais, mais j'ai l'impression que, dans leur for intérieur, certains membres de la direction du Canadien de Montréal ne sont pas entièrement déçus que La Presse ait révélé hier les fréquentations douteuses des frères Kostitsyn et de Roman Hamrlik.

Bien sûr, l'affaire entache sérieusement l'image du Tricolore en cette année du centenaire de plus en plus chaotique. Elle laisse sûrement un arrière-goût amer dans la bouche d'un homme intègre comme Bob Gainey. Et elle ajoute aux problèmes de Guy Carbonneau, qui préférerait sûrement parler de hockey plutôt que des activités nocturnes de ses joueurs.

Sauf qu'il vaut parfois mieux crever l'abcès que laisser l'infection prospérer. Les mauvaises performances du Canadien au cours du dernier mois, jumelées à toutes les rumeurs ayant circulé à propos des excès commis par certains fêtards, avaient lentement mais sûrement empoisonné l'atmosphère au sein de l'équipe. «Certaines rumeurs ont affecté les joueurs psychologiquement», a reconnu Carbonneau.

L'éclatement au grand jour de cette affaire devrait sonner le réveil chez les joueurs et leur faire enfin comprendre un message que la direction de l'équipe avait déjà martelé plusieurs fois. Fini les folies. Fini le party. (Et fini le bowling, sans doute.) Exercez un peu votre jugement et consacrez-vous à ce pour quoi on vous paie grassement: jouer au hockey et, si ce n'est pas trop vous demander, participer aux séries. «Quand un joueur est incapable de jouer au maximum de ses capacités à cause de ce qu'il fait (en dehors de la patinoire), il laisse tomber ses coéquipiers, dans un sport d'équipe», a rappelé Gainey.

Est-ce qu'il y aura un couvre-feu? Certains bars seront-ils déclarés zone interdite? Chose certaine, on ne se fiera plus au bon jugement des joueurs. «C'est comme un enfant. Tu leur donnes de la corde jusqu'à temps qu'ils se pendent. Là, la corde va être serrée, je peux vous dire ça», a dit Carbonneau.

Après ce qui s'est passé au cours des 48 dernières heures, les joueurs n'ont probablement plus besoin qu'on leur fasse un dessin. Il y en a sûrement quelques-uns qui ont passé une mauvaise nuit au retour de Pittsburgh, après avoir eu vent qu'une grosse histoire allait sortir le lendemain matin. Vous pouvez parier que les gars vont marcher les fesses serrées au cours des prochaines semaines.

Il faut parfois toucher le fond pour mieux remonter. Le Canadien en est là.

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J'ai lu les forums de discussion et les commentaires dans les blogues de hockey, hier. La plupart du temps, La Presse passait dans le tordeur, surtout du côté anglophone, où l'on se fait un malin plaisir à critiquer les médias francophones - tous des fouille-merde, comme chacun sait.

La vérité, c'est que Patrick Lagacé, André Cédilot et Caroline Touzin, qui ont sorti la nouvelle dans le journal d'hier, ont fait un travail irréprochable. Les sources sont béton. Chaque affirmation a été contre-vérifiée et est appuyée sur des faits, comme a sûrement été forcé de le reconnaître le chef du Service de police de la Ville de Montréal, Yvan Delorme, lorsqu'il a rencontré le président du Canadien, Pierre Boivin, hier matin.

Ce n'est pas la faute de mes collègues si, à L'antichambre et à 110%, certains panélistes ont gonflé l'histoire hors de toute proportion, au point de donner l'impression aux téléspectateurs que le toit du Centre Bell (à moins que ce ne soient les colonnes du temple?) était sur le point de s'effondrer.

Ils en ont tellement mis dans leur vaudeville, en fait, que bien du monde a été presque «déçu» en lisant La Presse hier matin. Quoi, ce n'est «que» ça? Les frères K. étaient liés à un bandit présumé qui leur procurait vodka, femmes et tout ce qu'il faut pour s'éclater? Un gars lié aux motards et aux gangs de rue avait leur numéro de carte de crédit? So what?

Allez raconter ça à Bob Gainey et Guy Carbonneau. «Préoccupant», «décevant», «inquiétant»: ni le DG ni l'entraîneur n'a tenté d'atténuer la gravité de la situation. Et pour cause. Que les Kostitsyn et Hamrlik n'aient rien fait d'illégal ne change rien au fait que le Canadien et la Ligue nationale de hockey, comme toute organisation de sport professionnel, ne peuvent se permettre de voir leurs membres s'acoquiner avec des acteurs connus des milieux criminalisés. Les risques de dérapage (paris illégaux, chantage, etc.) sont tout simplement trop grands. Surtout quand le vilain de l'affaire s'adonne à être un homme accusé de trafic de drogue.

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La journée d'hier nous a permis de mesurer une fois de plus l'importance, pour le Canadien, d'un homme comme Bob Gainey. Un bel exemple de gestion de crise. Quand il parle, il projette l'assurance tranquille du bon père de famille. Il ne se défile pas devant les questions, répond intelligemment et n'essaie pas de noyer le poisson. «Je ne peux que me fier à ce que je sais aujourd'hui, et ce que je sais ne donne pas une bonne image de l'organisation et des individus impliqués», a-t-il dit.

Il semble aussi que Gainey soit plus fin psychologue que plusieurs d'entre nous. Plus, en tout cas, que le chroniqueur téméraire qui a osé prédire l'autre jour qu'Alex Kovalev ne rejouerait jamais pour le Canadien...