C'est quand même ironique. Il fut un temps où Mathieu Schneider était le problème. Bob Gainey voudrait maintenant nous convaincre qu'il est la solution.

Rappelez-vous le printemps 1995. «Un quarteron de putschistes veut la tête de Demers», titrait La Presse en une. Schneider, qui allait être échangé aux Islanders de New York un mois plus tard, faisait partie d'un groupe de joueurs qui s'agitaient dans les coulisses pour obtenir la tête de l'entraîneur Jacques Demers.

 

Quatorze ans ans et sept équipes plus tard, abracadabra: revoici le conjuré d'antan sorti du chapeau du magicien Bob pour relancer l'anémique attaque à cinq du Canadien.

On tue la une. Ou peut-être pas.

Schneider a connu une brillante carrière dans la Ligue nationale, même s'il a changé d'adresse plus souvent qu'un informateur de police en cavale. Vingt saisons, 1241 parties, 716 points et une Coupe Stanley: des chiffres solides et éloquents.

Schneider s'adonne aussi à être sur une bonne lancée, avec sept points à ses 14 derniers matchs. Mais on ne se contera pas d'histoires: à 39 ans ses meilleurs jours sont derrière lui. Il ne pourra pas nuire en supériorité numérique. Mais on ne risque pas de le confondre avec Mike Green ou Nicklas Lidstrom. (Ou avec Jay Bouwmeester...)

«C'est un Band-Aid, m'a dit Jacques Demers, hier. Le jeu de puissance en arrache tellement qu'il va sûrement donner un coup de main. Mais il ne sera pas dans le top 4 des défenseurs du Canadien. Il a été un top 4. Mais plus maintenant.»

Mathieu Schneider, c'est, au mieux, une ébauche de solution. Mais il en faudra plus. Robert Lang ne reviendra pas au jeu d'ici la fin de la saison régulière. Et ce n'est ni Kyle Chipchura ni le décevant Chris Higgins qui combleront le vide béant qu'il a laissé derrière lui.

Cela dit, Gainey devait agir vite. Le «Je suis à bout de réponses» qu'a lancé Guy Carbonneau après la défaite de 4-2 aux mains des Canucks de Vancouver, dimanche, était un signal de détresse évident.

Depuis le début de la longue descente aux enfers du Canadien, il y a près d'un mois, Guy Carbonneau n'avait jamais semblé aussi ébranlé. La voix tremblante, le regard fuyant, le Carbo qui s'est présenté devant les journalistes après cette 10e défaite en 13 parties projetait l'image d'un homme au bout de sa corde, aux antipodes de l'entraîneur confiant et sûr de lui auquel on est habitué.

Ça se comprend. Michel Therrien, dont il a été autrefois l'adjoint, avait été congédié quelques heures plus tôt. Carbo est humain. La pensée lui a sûrement traversé l'esprit qu'il pourrait être le prochain sur la liste. «C'est jamais plaisant de voir ce qui se passe à travers la Ligue. Il semble que c'est toujours le coach, le problème», a-t-il dit, la mine déconfite.

Gainey s'est fait rassurant, hier. «J'ai déjà été dans la même position que Guy, à la fin d'un voyage difficile. C'est normal pour quelqu'un à la fin d'un match de dire qu'il n'a pas de réponse claire quant à la direction que l'équipe doit prendre. Mais après une journée ou deux, après avoir discuté avec les autres entraîneurs et peut-être avec quelques joueurs, il va trouver les conseils qu'il faut pour aider les joueurs à gagner le prochain match.»

Carbonneau devrait respirer à l'aise. Gainey a lourdement insisté hier sur les blessures qui éprouvent le Canadien. «On doit utiliser des joueurs encore verts comme Max Pacioretty, qui a joué une saison de 34 matchs au collège l'an dernier et doit jouer contre les meilleurs au monde cette année. Ça ne peut pas marcher très longtemps sans avoir un effet négatif.» (Non, ça n'explique pas les contre-performances d'Alex Kovalev, Andrei Markov, Mike Komisarek... j'arrête ici, la liste est trop longue.)

Gainey ne congédiera pas Carbonneau. Pas quelques semaines à peine après avoir déclaré que l'embauche de son ancien coéquipier était son meilleur coup depuis son entrée en poste. Gainey est un être trop loyal pour sacrifier son homme à l'autel de l'insatisfaction des partisans et des médias. Il a choisi Carbonneau, il va l'appuyer jusqu'à la fin. Et c'est correct comme ça. Trop souvent dans le sport, on fait payer l'entraîneur pour les péchés de ses joueurs. C'est la solution la plus facile, mais ce n'est pas toujours la plus juste, ni même la meilleure. La stabilité a aussi ses vertus, comme les Sabres de Buffalo, notamment, en ont fait la démonstration avec Lindy Ruff.

Mais pour que l'appui au coach veuille dire quelque chose, il faut lui donner les moyens de faire son travail. Et c'est là que le bât blesse. L'arrivée de Schneider et de son salaire de 5,625 millions enlève toute flexibilité à Gainey, qui flirte dangereusement avec le plafond salarial. En excluant toute transaction pour un joueur qui vaut «quatre, cinq ou six millions», comme il l'a fait hier, le DG dit adieu à la plupart des joueurs d'impact qui pourraient se retrouver sur le marché d'ici la date limite des échanges.

Pour parler comme les économistes, le coût d'opportunité de l'acquisition de Schneider semble particulièrement élevé. En achetant un Band-Aid, l'équipe vient probablement de se priver de la greffe de coeur dont elle aurait besoin.

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