La ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, a finalement admis mercredi que les finances publiques vireraient au rouge en 2009-2010. Il était temps. Le maintien de l'objectif du déficit zéro n'était ni crédible ni souhaitable. S'entêter à vouloir maintenir l'équilibre budgétaire en pleine récession serait désastreux pour l'économie.

Personne ne reprochera au gouvernement Charest de créer un déficit dans les circonstances. Mais on lui reproche de ne pas l'avoir dit avant. Et surtout, de ne pas l'avoir dit en campagne électorale. À mon avis, le problème n'est pas là.

 

À l'automne, les données dont le gouvernement du Québec disposait lui permettaient de croire qu'il pourrait éviter le déficit. On oublie à quel point les choses ont évolué rapidement au cours de l'automne. On ne peut pas reprocher, après coup, à des politiciens de n'avoir pas su ce que personne ne savait. Le vrai problème, c'est le 14 janvier. Quand la ministre, lors du dépôt de son énoncé économique, a persisté à maintenir l'objectif de l'équilibre budgétaire.

Pour voir ce qui, rétrospectivement, était crédible, je vous propose cette chronologie économico-politique.

En septembre, campagne électorale fédérale. La situation économique inquiète. Stephen Harper parle de turbulences. Stéphane Dion évoque la récession, mais comme une possibilité lointaine qu'un bon gouvernement pourra empêcher. Libéraux et conservateurs écartent l'idée d'un déficit. La Banque du Canada prévoit, le 24 octobre, une croissance «anémique» de 0,6% pour 2009.

Début novembre. Monique Jérôme-Forget publie Le point sur la situation économique et financière, le coup d'envoi de la campagne provinciale. Elle se base sur la moyenne des prévisions du secteur privé, qui prévoient une croissance de 0,6% pour le Québec en 2009. Une croissance qui permet d'éviter le déficit zéro, en comptant sur des réserves. Quand les libéraux le disent en campagne électorale, ils donnent l'heure juste.

Le 11 novembre, en campagne, la chef péquiste évoque la possibilité d'un déficit: «Il n'y aura pas de déficit sous un gouvernement Marois. Il pourrait y avoir à cause d'une mauvaise conjoncture économique, oui, un déficit temporaire.» Pauline Marois ne prévoyait pas de déficit. Mais, prudente, elle n'écartait pas la possibilité.

Le 27 novembre, énoncé économique de Jim Flaherty de triste mémoire. Sur la foi des prévisions du secteur privé, il s'attend à une croissance, faible, de 0,3% en 2009, ce qui n'excluait pas une récession technique. Mais il prévoit maintenir le déficit zéro, de justesse. Notons qu'il commençait à y avoir des prévisions plus sombres, comme celles de l'OCDE, qui prédisait un recul de 0,5% pour le Canada. Le 6 décembre, les «Boules de cristal de La Presse» deux jours avant les élections québécoises, plus pessimistes, prévoyaient maintenant une croissance zéro pour le Québec.

Cela amène une première remarque. L'économie s'est dégradée pendant la campagne provinciale. Assez pour que les libéraux aient dû corriger le tir, et notamment admettre, par souci de prudence et de transparence, qu'on ne pouvait plus écarter l'idée d'un déficit.

En décembre, la situation économique s'est empirée, les prévisions ont été revues à la baisse, quoiqu'elles disent toutes que le Québec s'en tirera mieux. Le 14 janvier, dans l'énoncé qui annonçait les mesures de relance promises lors des élections, les prévisions du privé étaient donc plus moroses. On parlait maintenant d'un recul de 0,5% pour le Québec en 2009.

Même avec une économie qui recule de 0,5%, jamais Mme Jérôme-Forget n'a utilisé le mot récession pour le Québec. Et malgré la récession prévue, sans garantir un déficit zéro pour 2002-2010, elle a maintenu son objectif d'équilibre budgétaire. Un véritable non-sens, un objectif ni réaliste, ni approprié. Et c'est là qu'il y a eu un manquement.