C'était le premier rendez-vous avec la haute direction de BCE depuis que la transaction de privatisation a avorté avec fracas, en décembre. Et c'était la première conférence d'orientation à l'intention des analystes financiers en plus de deux ans.

«Nous sommes un peu rouillés», a blagué George Cope, président et chef de la direction de BCE, qui reste une entreprise à capital ouvert à son corps défendant.

 

À la dernière conférence qui était animée par Michael Sabia, BCE semblait se chercher tandis que les fonds d'investissement privés rôdaient autour d'elle comme des prédateurs. Aujourd'hui, il n'y a plus aucun prétendant à l'horizon. «Mais on sait très clairement où on s'en va», a dit George Cope avec une détermination apparente.

Pour autant, l'entreprise ne s'en va pas loin, du moins en 2009. Son objectif pour l'année est de conserver ses revenus et ses profits d'exploitation à leur niveau actuel. Pour l'ambition, on repassera!

Malgré tout, George Cope plaide qu'il s'agit d'un grand défi dans l'environnement actuel. On n'est pas loin de le croire.

Comme les statistiques le rappellent chaque jour, l'économie nord-américaine s'en va chez le diable. «Même si nous sommes relativement immunisés contre le ralentissement de l'économie, la télé et l'internet étant des services essentiels, il n'est pas dit que les consommateurs n'opteront pas pour des forfaits moins coûteux ou ne retrancheront pas certains services», a noté George Cope.

De plus, la concurrence s'intensifie dans le sans-fil avec l'arrivée de nouveaux acteurs qui promettent de casser les prix, fin 2009, début 2010.

Bell Canada semble avoir freiné l'érosion de sa clientèle filaire, à en juger les résultats du quatrième trimestre. (À ce sujet, lire le texte de mon collègue Maxime Bergeron.)

Mais la croissance des abonnés du sans-fil, qui est censée contrebalancer la perte de clientèle dans les services traditionnels, n'est pas à la hauteur des attentes. «Là où nous avons un grand défi, c'est dans l'accroissement de notre part de marché», a admis George Cope.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Bell compte tout près de 6,5 millions d'abonnés au sans-fil. C'est seulement 48 000 abonnés de plus qu'à la fin troisième trimestre. Le problème, c'est que les concurrents de Bell croissent plus vite qu'elle. Ainsi, Telus chauffe maintenant les fesses de Bell, avec une part de marché de 28% contre 31% pour l'entreprise montréalaise, selon la dernière compilation de l'Association canadienne des télécommunications sans fil. Et cela, c'est avant que la nouvelle concurrence ne débarque!

Bell peut toutefois souffler avec le resserrement du crédit, qui désavantagera les nouveaux arrivants qui ont des investissements de démarrage colossaux. Et puis, Bell peut compter sur ses propres marques au rabais, soit Solo et Virgin Mobile, même si dans ce dernier cas, elle doit partager revenus et profits.

Par ailleurs, avec le sans-fil qui atteint un taux de pénétration de 72% au Canada, selon un sondage Harris/Décima dévoilé en novembre, les nouveaux venus auront du mal à se tailler une place aux côtés des huit marques déjà présentes au pays.

«C'est Vidéotron qui a les meilleures chances de succès au Québec, note l'analyste Jeffrey Fan de la firme UBS, dans un commentaire publié hier. Mais les autres (BMV/Public Mobile, Globalive et Dave) se heurteront à des barrières et auront du mal à gagner des parts de marché et à être rentables.»

Ainsi, cet analyste s'attend à une consolidation rapide de l'industrie, à l'exemple de ce qui se produit en Australie et dans d'autres pays. Lundi, les filiales australiennes de Vodafone et de Hutchison, troisième et quatrième opérateurs sans fil au pays des kangourous, ont annoncé leur intention de fusionner.

Il n'empêche que la concurrence restera féroce au pays, Rogers ayant consolidé sa domination ces derniers mois - part de marché de 37% - grâce au lancement du iPhone 3G d'Apple.

Jusqu'ici, Bell a toujours refusé de gagner des parts de marché en rognant sur les profits. Pour justifier ses tarifs, l'entreprise est condamnée à améliorer son service à la clientèle. Quand d'anciens clients se lèvent la nuit pour vous haïr et créent des groupes de discussion (lire bitchage) sur Facebook, vous savez que la marche est haute!

Bell a néanmoins pris d'excellentes initiatives ces derniers mois. Un technicien au service de Bell se déplace gratuitement chez le nouveau client pour lui installer son modem et configurer son courriel. Fini les appels répétés de clients qui sacrent en se débattant avec un spaghetti de fils. Et il y a un service express, dès le lendemain ou le jour de la commande, moyennant des frais de 59,95$.

Bell est aussi en voie de rapatrier au Canada, à l'interne et à l'externe, une petite partie de son service à la clientèle qui avait été sous-traité en Inde. C'est un million d'appels de plus qui seront traités chaque année au pays, sur un total d'environ 75 millions d'appels. Ainsi, ce sont des préposés canadiens qui prendront soin des nouveaux clients qui étaient effarouchés par un service technique distant.

On n'a qu'une seule chance de faire bonne impression, veut le dicton. Le pari de George Cope sera de le démentir avec une entreprise vieille de 127 ans. La gageure est belle.

Dans ma chronique d'hier, j'ai confondu le nom du fonds qui, dans le plan de stabilité financière du secrétaire au Trésor des États-Unis, rachètera les actifs contaminés des banques américaines. Il s'agit du Public-Private Investment Fund et non du Financial Stability Trust.

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