Manifestement de bonne foi, le président Obama a fait ce qu'il a pu pour rallier les républicains à son ambitieux plan de relance de l'économie. Rien n'y fait. Avec un entêtement qui frise l'irresponsabilité, les représentants républicains au Sénat continuent de mettre des bâtons dans les roues du projet. Dans les difficiles conditions actuelles, un tel entêtement est sidérant; c'est à se demander si les politiciens républicains sont bien conscients des dommages qu'ils sont en train de causer non seulement aux États-Unis, mais aussi à l'économie mondiale.

Pour mieux comprendre les enjeux, il serait peut-être utile de revoir les grandes lignes du dossier. Distinguons d'abord le plan Bush (novembre 2008) du plan Obama, présentement débattu au Congrès.

 

En septembre 2008, lorsque la crise financière éclate, les Américains découvrent avec stupeur à quel point leurs banques croulent sous les mauvaises créances. C'est le résultat de 10 années de crédit trop facile.

L'administration Bush décide de dégager 700 milliards US pour renflouer les banques. Décision qui apparaît hautement déplacée. Avec un culot incroyable, les patrons de la haute finance américaine, principaux responsables du désastre, s'en sont mis plein les poches (jusqu'à 18 milliards) juste avant la débâcle. De plus, la situation des finances publiques américaines est catastrophique. En 2000, George W. Bush a hérité d'un surplus de 240 milliards. Sous l'effet combiné des dépenses militaires et des baisses d'impôts, ce surplus fait place à un déficit de 500 milliards lorsque la crise éclate.

Dans ces conditions, pourquoi engloutir autant d'argent public pour renflouer des banques qui ont agi avec tant de légèreté? Parce que c'est ça ou encore bien pire: refuser d'intervenir signifie une catastrophe pour des dizaines de millions d'épargnants, de retraités et de petits actionnaires. Si l'on fait exception des 17 milliards puisés à même la cagnotte pour aider les constructeurs automobiles, le plan Bush est donc essentiellement une manoeuvre financière destinée à éviter l'effondrement du système bancaire américain.

Le plan Obama est différent.

La crise financière a débouché sur la crise économique que l'on sait. Uniquement en janvier, l'économie américaine a perdu 600 000 emplois, du jamais vu en 35 ans. En un peu plus d'un an, 3,6 millions d'Américains ont perdu leur emploi. La valeur marchande des maisons baisse à vue d'oeil. Les ventes au détail s'effondrent. Les retraités et futurs retraités craignent pour l'avenir de leur caisse de retraite. L'indice de confiance des consommateurs s'assombrit de jour en jour. Le pays est au bord de la déflation. C'est de loin la pire crise depuis la Grande Dépression, et le gouvernement peut difficilement rester les bras croisés.

Alors que le plan Bush est axé sur le sauvetage du secteur financier, le plan Obama vise à relancer l'économie en créant de l'emploi et en redonnant confiance aux consommateurs avec une série de mesures: dépenses publiques dans les infrastructures, bonification des programmes sociaux, baisses d'impôts.

Le plan final fait encore l'objet de l'obstruction des républicains et de négociations entre le Sénat et la Chambre des représentants (qui ont chacun leur priorité). Lorsqu'il sera adopté, il devrait tourner aux alentours de 800 milliards.

Cela peut sembler énorme, mais beaucoup d'économistes se demandent si ce sera assez: crise ou pas, 800 milliards, c'est ce que l'économie américaine produit en moins de trois semaines.

Entre-temps, chaque jour qui passe retarde l'arrivée des précieux fonds au moment où les Américains en ont le plus besoin. Au fond, les citoyens sont pris entre l'affrontement entre deux conceptions: la relance passe-t-elle par une injection de fonds publics (Obama) ou par de nouvelles baisses d'impôts (que souhaitent les républicains)? C'est bien le moment d'ergoter là-dessus!

D'un point de vue canadien, il n'y a aucune raison de se réjouir. La crise n'est pas limitée aux États-Unis, elle est planétaire. Quand les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume, nous dit l'adage. C'est toujours vrai, mais ce n'est plus que cela. En 2009, lorsque les États-Unis toussent, c'est la planète entière qui attrape le rhume. Le Canada, premier fournisseur des États-Unis à qui il vend près de 80% de ses exportations, sera évidemment durement touché (c'est d'ailleurs déjà commencé), mais aussi la Chine, qui devra dire adieu aux années de forte croissance, le Japon, qui commence tout juste à relever la tête après avoir connu la déflation et trois récessions en 10 ans, les pays de la zone euro, qui sont presque tous en situation de surplus avec les États-Unis.

Et pendant ce temps, les politiciens républicains font de l'obstruction...