Une femme de 60 ans vient de donner naissance à des jumeaux dans un hôpital de Calgary. Grâce à des traitements de fertilité in vitro, cette sexagénaire a réalisé son rêve d'être mère.

Précisons qu'elle a été traitée en Inde. Au Canada, les médecins refusent les traitements de fertilité aux femmes de plus de 50 ans, l'âge approximatif de la ménopause.

 

Cette maternité tardive pose une multitude de questions, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Premièrement, cette naissance miracle risque-t-elle de créer un effet d'entraînement? Il n'y a pas si longtemps, avoir un premier enfant passé 35 ans était quelque chose d'exceptionnel. Aujourd'hui, les femmes qui accouchent après 40 ans ne sont pas légion, c'est vrai, mais elles sont plus nombreuses qu'avant. On n'en fait plus un cas.

Bien sûr, les sexagénaires qui désirent avoir des enfants ne courent pas les rues. À cet âge, on se prépare plus souvent à être grand-mère, si ce n'est déjà fait. Mais il faut se rendre à l'évidence, vieillir n'est plus ce que c'était. Le dossier Vieillir cool publié dans nos pages la semaine dernière en faisait une démonstration éloquente. Les baby-boomers sont plus actifs, multiplient les expériences personnelles et professionnelles, chérissent leur vie amoureuse et sexuelle.

Pourquoi pas un bébé? Ces «nouveaux vieux» revendiquent haut et fort le droit de repousser les limites du temps, et il se trouve des scientifiques pour les encourager assez loin en ce sens. Jean Carette, un spécialiste en gérontologie interviewé sur les ondes de la radio de Radio-Canada vendredi dernier, lançait avec enthousiasme, et une certaine désinvolture: «C'est merveilleux! Quand les enfants de cette femme auront 20 ans, elle en aura 80 et elle fera peut-être du jogging autour de sa maison!»

Que dire...

Faut-il se réjouir des prouesses de la médecine ou s'inquiéter des dérives qu'elles engendrent?

Ces enfants ne sont pas nés sans aide. Une batterie de médecins a encadré leur mère, qui les a mis au monde sept semaines avant terme. Les deux poupons sont aux soins intensifs et nécessitent l'attention de plusieurs spécialistes. Leur santé demeurera peut-être fragile au cours des prochaines années, et même toute leur vie.

Il y a un prix personnel, social et psychologique associé à ces deux naissances. Ne soyons pas candides: au-delà de l'aspect «miraculeux» de l'événement, il y a des implications profondes et des questions difficiles à poser. Jusqu'où doit-on aller pour réaliser son désir d'enfant? N'y a-t-il pas une part d'égoïsme dans ce désir de vivre la maternité à n'importe quel prix?

«Le droit d'avoir un enfant au moment que l'on choisit est un droit humain fondamental», déclarait Arthur Schafer, bioéthicien de l'Université du Manitoba, à l'émission The National jeudi soir dernier.

Soit. Mais ce droit est-il supérieur, par exemple, aux droits de l'enfant à venir: celui d'avoir des parents capables de veiller sur lui, de l'éduquer, d'être présent pour l'accompagner jusqu'à l'âge adulte?

Quand il y a autant de répercussions, peut-on vraiment parler d'un choix personnel?

nathalie.collard@lapresse.ca