Il est facile pour un éditorialiste de décréter qu'une industrie a vécu, qu'il faut la laisser à son triste sort. C'est évidemment beaucoup plus difficile pour un gouvernement qui doit porter la double responsabilité de gérer les fonds publics et de préserver les emplois.

Pourtant, on a beau tourner le problème dans tous les sens, on arrive toujours à la même conclusion: l'industrie québécoise des courses de chevaux n'est pas viable. Aucune des béquilles tendues par Québec au cours des 20 dernières années ne lui a permis de prendre le virage de la rentabilité.

Depuis les années 90, trois études ont été faites sur l'industrie et le gouvernement y a injecté 300 millions en subventions. Arrivés au pouvoir, les libéraux ont privatisé les hippodromes tout en transférant au nouveau propriétaire, Attractions hippiques, 22% des revenus générés par des centaines d'appareils de loterie vidéo (ALV) installés sur place. Ce modèle d'affaires s'est effondré. L'hippodrome qu'on voulait bâtir au nord de Montréal, où on aurait déménagé l'ancien Blue Bonnetts et placé 1100 ALV, n'a pas vu et ne verra jamais le jour. Les Ludoplex installés par Loto-Québec aux hippodromes de Trois-Rivières et de Québec ont produit moins de revenus qu'espéré par Attractions hippiques. L'entreprise, propriété du sénateur Paul Massicotte, s'est retrouvée au bord de la faillite.

Le scénario maintenant envisagé pour sortir Attractions hippiques du trou est peu prometteur. On parle de bâtir, sur une parcelle du terrain de l'Hippodrome de Montréal, un «hippo club» où les amateurs pourraient parier sur des courses tenues ailleurs et jouer sur un de 300 ALV. À l'hippodrome actuel succéderait donc un hippodrome virtuel. Or, la contestation s'organise déjà contre la construction de ce salon de jeu. Et il paraît plus qu'improbable que l'industrie québécoise puisse survivre sans un hippodrome dans la métropole.

Les hommes de chevaux sont furieux contre le gouvernement, contre Loto-Québec et contre M. Massicotte, qu'elle rend conjointement responsables de ses malheurs. On accuse Québec de se fendre en quatre pour aider l'homme d'affaires, d'allégeance libérale fédérale, tout en négligeant les intérêts de l'industrie.

On parle depuis quelques jours d'une aide gouvernementale de près de 1 milliard, sur une période de 25 ans, destinée à Attractions hippiques. Le montant est faramineux mais en réalité, si l'entreprise devait faire faillite et l'industrie équine disparaître, la somme ne retournerait pas dans les coffres gouvernementaux. Loto-Québec perdrait sa part des revenus des ALV de Montréal et d'Aylmer et la taxe sur le pari mutuel ne rapporterait pas un sou.

Cela dit, le scénario envisagé ces jours-ci prévoit que sur 12 millions de bourses versées annuellement, Attractions hippiques verserait seulement 3 millions, les 9 autres millions étant à la charge de Loto-Québec. Neuf millions, c'est peu pour la société d'État, mais cette somme s'ajouterait annuellement aux millions déjà versés à cette industrie au fil du temps, en pure perte.

Les gouvernements doivent certes donner un coup de pouce aux secteurs d'avenir et à ceux qui sont en transition. Malheureusement, l'industrie des courses de chevaux ne fait partie ni des premiers ni des seconds. Dans ces circonstances, Québec doit se résoudre à mettre fin à l'agonie. Tout en s'assurant, bien sûr, d'amortir le choc pour les centaines de personnes concernées.