L'Institut économique de Montréal a publié hier une étude qui plaide pour une privatisation d'Hydro-Québec. Le statut actuel de la société d'État fait perdre plus de 10 milliards par année aux Québécois.

L'étude de Claude Garcia, l'ancien patron canadien de la Standard Life, est bien faite. Mais on aura rarement vu une démarche autant tomber à plat. D'abord parce qu'une idée doit pouvoir s'ancrer quelque part pour pouvoir cheminer. Il n'existe aucune force au Québec, ni aucune situation, qui va dans le sens d'une privatisation d'Hydro-Québec. Le débat est donc purement théorique.

 

En outre, on ne peut pas imaginer un aussi mauvais timing. Proposer aux Québécois de devenir actionnaires d'Hydro au lendemain d'un krach boursier? Faire d'Hydro une société cotée en bourse quand on a pu voir ce qui est arrivé à certains géants du monde boursier, que ce soit la triste aventure de BCE ou l'achat d'Alcan par Rio Tinto?

Au plan analytique, on peut identifier, comme le fait cette étude, des facteurs qui rendent Hydro moins performante qu'elle le devrait - une gestion moins serrée, des tarifs trop bas, des subventions aux alumineries. Mais ces problèmes peuvent être en très grande partie résolus sans passer par le long et lourd détour de la privatisation.

Selon l'IEDM, Hydro contrôlerait moins bien ses coûts que des entreprises comparables. C'est tout à fait plausible, parce que la société d'État, un monopole public, n'est pas soumise à la discipline qu'impose la concurrence. Mais si la privatisation permettrait certainement des gains d'efficacité, il faut mettre dans la balance les coûts et les problèmes que rencontrerait Hydro-Québec si elle devenait une entreprise privée cotée en Bourse, notamment la tyrannie des rapports trimestriels, les fluctuations boursières, la difficulté d'agir à long terme.

Dans les gains annuels de 10,2 milliards que procurerait la privatisation, selon l'étude, presque les deux tiers, soit 6,1 milliards, proviendraient d'une hausse des tarifs d'électricité. Il est vrai que le Québec se prive de ressources importantes avec des rabais qui encouragent la surconsommation; une dilapidation de la richesse collective qui s'explique par des choix politiques contestables. C'est un gros problème, qu'il faudra corriger. Mais on n'a absolument pas besoin de recourir à la privatisation pour augmenter les tarifs et cesser de brader notre électricité.

L'étude souligne enfin le manque à gagner important, 2 milliards, associé aux tarifs préférentiels, qui sont des subventions, accordés aux alumineries. L'électricité vendue à rabais prive le Québec des revenus importants que permettrait la vente de cette même électricité. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Les retombées, significatives, des investissements dans l'aluminium justifient-elles ces subventions? Ce débat n'a jamais été tranché. Les choix des gouvernements ont plutôt été motivés par des considérations politiques. Les avantages consentis aux alumineries sont assez importants pour qu'on soumette la question à une commission, ou un groupe de travail, pour enfin avoir l'heure juste.

Mais la période que nous traversons nous rappelle aussi que, dans certains cas, l'État a un rôle à jouer et qu'il a besoin pour cela d'outils d'intervention. Nous ne sommes pas mécontents du fait que le Québec ait pu, très rapidement, accélérer des travaux d'infrastructures, notamment ceux d'Hydro, pour lutter contre la récession.

Et dans un contexte où les enjeux énergétiques et environnementaux sont fondamentaux, la capacité du Québec de faire des choix, pour miser sur des énergies renouvelables et pour réduire sa dépendance au pétrole est certainement facilitée par le fait qu'il dispose, avec Hydro-Québec, d'un levier qui lui donne une certaine maîtrise sur sa destinée. Cela aussi doit être mis dans la balance.