Il n'existe qu'une solution au vieillissement: la mort... Sachant cela, ceux qui abordent cette Mer de la Vieillesse où guette le naufrage (selon le mot d'un grand général...) essaient de «faire avec», comme on dit. C'est encore plus vrai de la génération des baby-boomers, dont la première vague a franchi le cap de la soixantaine en 2006.

La vieillesse, ils la veulent non seulement confortable et sereine, mais plus encore: cool. C'est ce qu'on démontre éloquemment dans les pages de La Presse au cours du week-end.

 

Heureusement pour elle, cette génération a quatre as dans son jeu.

D'abord, elle a du temps: bientôt, l'espérance de vie des hommes atteindra vraisemblablement 80 ans, celle des femmes 85 ans. Ensuite, de l'argent: elle contrôle 75% de la richesse individuelle, de sorte que la pauvreté chez les personnes âgées a beaucoup reculé. Encore plus important: elle a la santé, largement tributaire du niveau d'aisance. Enfin, les papy et mamy-boomers possèdent cette richesse inestimable qu'est la connaissance, tirée à la fois de l'instruction formelle, de l'ouverture sur le monde et de l'accès à la culture.

On en saute de joie, au risque de casser sa marchette!

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Ah oui, il ne faut pas oublier: les baby-boomers sont aussi les maîtres des illusions. Ce qui, au bout du compte, sera peut-être leur bagage le plus utile pour le dernier segment du voyage: les illusions sont en effet rassurantes.

Au fil des ans, on a mille fois constaté à quel point cette génération se montrait contente d'elle-même alors que, dans le secret de son âme, elle était plutôt tourmentée. En 2005, 91% des boomers se proclamaient satisfaits de leur vie... alors que dans le cabinet du médecin, 59% montraient des symptômes de dépression.

Ce jovialisme affiché ne désarmera pas, bien sûr.

Et il fait tellement plaisir à voir qu'il continuera à alimenter l'image officielle des «nouveaux vieux». La nonagénaire qui saute en parachute en gloussant de plaisir, l'octogénaire qui apprend à lire Plutarque dans le texte et le Roméo de 79 ans qui dévalise le sex-shop avec sa Juliette de 74 ans resteront les icônes médiatiques de cette ligue, non pas du vieux poêle, mais du vieux... Commodore 64!

Illusions?

Pas totalement. Les boomers inventent bel et bien une nouvelle façon de vieillir, à cause de (et grâce à) ce qu'ils sont et l'époque à laquelle ils vivent.

Mais ils s'engagent cette fois dans une bataille radicalement différente de celles qu'ils ont livrées, et en général gagnées, au cours de leur vie dite active. Ils affrontent la biologie, dont on sait où elle conduit et comment elle le fait. Ainsi que ce qu'on pourrait appeler la biologie sociale. Il s'agit de cette mécanique éternelle faisant en sorte qu'une génération succède à une autre («Tasse-toi, mononc'!») et ayant, sur le long terme, démontré son efficacité dans la survie de l'espèce et la pérennité de la société.

Dans le secret de son âme, le boomer sait tout cela.