En toute logique, le Bloc québécois et le NPD auraient dû applaudir le budget présenté cette semaine par le gouvernement Harper. Pourquoi? Parce que le budget Flaherty reprenait l'essentiel du plan de relance sur lequel s'étaient entendus en décembre les libéraux, les néo-démocrates et les bloquistes au moment où ils envisageaient de former un gouvernement de coalition.

Retournons lire l'«accord politique» signé par MM. Dion, Layton et Duceppe:

- plan de stimulation de l'économie de deux ans suivi d'un retour à l'équilibre budgétaire; c'est ce que prévoit le budget Flaherty aux chapitres 3 et 4;

 

- importants investissements dans les infrastructures; dans le budget Flaherty, pages 151 à 178;

- stimulation de la construction et la rénovation de logements; pages 137 à 150;

- investissements pour les secteurs clés (secteur manufacturier, automobile, forêts); on trouve cela aux pages 179 à 207 du document conservateur;

- aide aux travailleurs âgés et à la formation des travailleurs qui ont perdu leur emploi, dans le budget, p. 111 à 113.

Alors, où est le problème? Le Bloc déplore que la répartition des sommes proposées avantage l'Ontario et l'Alberta. Il dénonce aussi les changements apportés à la péréquation. Or, l'accord de la coalition ne contenait aucun engagement sur ces sujets. Le gouvernement libéral-NPD aurait donc pu adopter exactement les mêmes mesures que M. Flaherty et le Bloc aurait été tenu par l'entente de les laisser passer.

En réalité, l'attitude du Bloc québécois ne trouve pas sa source dans le contenu du budget. Le parti de Gilles Duceppe continue tout simplement sa guérilla pour miner la légitimité du gouvernement et des partis fédéraux. Dès qu'une mesure peut être présentée comme néfaste au Québec, aussi ténue soit la démonstration, les bloquistes s'en emparent pour mousser leur vision négative du pays.

Cette stratégie est efficace parce qu'elle colle à la conception que se font un grand nombre de Québécois de la fédération. Ils veulent en conserver les avantages mais ils refusent de jouer le jeu fédéral, celui-ci exigeant de tenir compte des points de vue et intérêts des autres partenaires. Tout ce que fait Ottawa est jugé selon un seul critère: le gouvernement du Québec a-t-il obtenu la totalité de ce qu'il demandait? Autrement, le verdict tombe: le fédéral a largué le Québec.

Si le sursaut du Parti libéral, indiqué par un sondage Crop-La Presse, se confirme au cours des prochaines semaines, M. Duceppe délaissera Stephen Harper pour faire de Michael Ignatieff sa principale cible. Depuis la naissance du Bloc, aucun parti, aucun chef n'a échappé aux attaques bloquistes. Jean Chrétien, Paul Martin, Stephen Harper, Stéphane Dion ont tour à tour été dénoncés pour leur prétendue hostilité au Québec. C'est le sort qui attend M. Ignatieff. On peut s'attendre à ce que sa popularité dans la province s'effrite dès qu'il aura à prendre une position ne répondant pas à 100% à ce que veulent les politiciens et les groupes d'intérêts du Québec. Cette baisse de popularité se fera évidemment au bénéfice de M. Duceppe, défenseur sans peur, sans reproche, sans compromis et sans pouvoir des intérêts du Québec tels qu'il les a lui-même définis.