Une aide rapide, ciblée et temporaire. S'il faut en croire le ministre des Finances, Jim Flaherty, ce sont les trois principes qui l'ont guidé dans la rédaction de son plan d'action économique, la pièce de résistance de son quatrième budget.

Mais, pour la cible ou la vision, il faudra repasser. Parce que ce plan conservateur est aussi éclaté qu'une gerbe de pop-corn. À l'image d'un budget libéral - ce qui n'étonnera personne puisque Michael Ignatieff tient l'avenir du gouvernement Harper entre ses mains -, il y en a pour tout le monde.

 

Tout le monde, oui, mais pas tant que cela pour le Québec, en fin de compte. Ainsi, on ne peut échapper à cette détestable impression que les conservateurs, déçus de leurs insuccès électoraux dans la province, ont tourné le dos au Québec. Et ce ne sont pas les 12 millions de dollars pour attirer des croisières internationales dans le Saint-Laurent et le Saguenay qui l'altéreront.

Certains choix sont particulièrement révélateurs. Alors que le gouvernement prête 2,7 milliards aux constructeurs automobiles et alloue 1 milliard sur cinq ans à une nouvelle Agence de développement du sud de l'Ontario, il offre une aide timide au secteur forestier, pourtant dévasté. Les industries forestières du Québec, de la Colombie-Britannique et d'ailleurs se partageront 170 millions de dollars sur deux ans.

En comparaison, les conservateurs consentiront 154 millions à la création d'une commission des valeurs mobilières nationale. C'est pure provocation quand l'on sait que les gouvernements québécois, rouges comme bleus, ont toujours dénoncé cet empiétement dans une compétence traditionnellement provinciale.

Sans surprise, Jim Flaherty s'est rallié aux conclusions téléguidées du comité Hockin, le nième groupe d'experts du fédéral à prêcher les vertus d'une commission nationale. Et cela, même si la démonstration n'a jamais été faite qu'une telle commission soit plus efficace ou moins coûteuse que des autorités décentralisées qui collaborent. La Securities&Exchange Commission des États-Unis n'a-t-elle pas été aveugle aux filouteries du courtier Bernard Madoff pendant des années!

Le ministre Flaherty s'est toutefois retenu d'offrir aux entreprises le choix de se dérober de leur commission provinciale, ce qui aurait miné l'Autorité des marchés financiers du Québec. Mais avec la création d'une commission unique, le Québec et l'Alberta finiront isolés. Aussi, la pression sera immense pour que les deux provinces récalcitrantes se rallient.

Tout ce beau monde se reverra à la Cour suprême du Canada, c'est écrit dans le ciel. Or, a-t-on vraiment besoin d'un autre mélodrame constitutionnel? L'heure est à la relance d'une économie en récession. Le Canada juge qu'il a fait sa part avec cet ensemble de mesures qui totalisent 40 milliards sur deux ans. Pour 2009, cela équivaut à 1,5% du produit intérieur brut, la taille de l'économie. Il faut toutefois inclure les dépenses des gouvernements provinciaux dans les programmes à coûts partagés pour s'approcher de la cible de 2% fixée par le Fonds monétaire international.

Il y a du bon et du moins bon dans ce plan de relance.

Le gouvernement montre enfin de l'empathie aux travailleurs licenciés en étirant de cinq semaines leurs prestations d'assurance emploi (sans pour autant régler les iniquités provinciales de ce programme). Et il investit de façon significative dans la formation et le recyclage des travailleurs.

Il remet 1,9 milliard de dollars par année dans les mains des Canadiens en remaniant les grilles d'imposition des particuliers. Jim Flaherty résiste ainsi à la tentation d'envoyer un chèque aux contribuables comme l'avait fait le gouvernement de George W. Bush, une mesure tape-à-l'oeil, mais éphémère.

Les entreprises ne sont pas laissées pour compte, puisque le gouvernement maintient le cap sur la réduction de leur taux d'imposition, qui passera de 19% à 15% d'ici 2012. Les conservateurs adoptent aussi une kyrielle de mesures pour faciliter l'accès au crédit et huiler l'économie canadienne.

Le plan de relance de Jim Flaherty contient toutefois son lot de déceptions. Dans les infra-structures, ceux qui rêvaient d'un TGV devront se contenter de nouvelles voies ferrées, afin que VIA ajoute des trains «express» dans le but de réduire de 30 minutes le trajet entre Montréal et Toronto. Ainsi, le gouvernement financera uniquement les projets qui sont prêts demain, pas les meilleurs ou les plus stratégiques à l'avenir du pays.

Ceux qui, inspirés par le leadership de Barack Obama, rêvaient d'une relance verte déchanteront aussi. Il est à peine fait mention de l'éolien dans les documents budgétaires (une seule fois), jamais de solaire ou de géothermie. Il n'y en a que pour le captage et le stockage du carbone, une technologie coûteuse et controversée qui n'est pas encore au point. Ainsi, le financement fédéral aux projets éoliens s'épuisera ce printemps sans être renouvelé, contrairement aux attentes.

Par ailleurs, le gouvernement s'égare complètement lorsqu'il utilise 3 milliards en fonds publics pour relancer la construction résidentielle. La situation au Canada n'a rien à voir avec celle des États-Unis, ce que vous savez pertinemment si vous avez récemment essayé de trouver un entrepreneur ou des ouvriers pour retaper votre sous-sol. Cette mesure à court terme ne fera qu'exacerber la pénurie de travailleurs de la construction.

Peut-être le gouvernement voulait-il s'attaquer au travail au noir, endémique dans l'industrie. Dans lequel cas il aurait dû appeler un chat un chat.

Au final, de toute façon, le Canada se doit d'être modeste. Même si le pays claque une fortune, sacrifiant ses 12 années de surplus, son influence sur le cours des choses reste fort limitée. Le Canada ne filera pas seul devant alors que le reste du monde ralentit. Comme toujours, ce sont les États-Unis et la Chine qui remorqueront la planète, le Canada avec.