La fin de semaine du match des Étoiles aura été l'occasion de constater une fois de plus une évidence: le niveau de jeu et de talent n'a jamais été aussi élevé qu'il ne l'est présentement dans la Ligue nationale de hockey.

Je sais, les comparaisons entre les époques sont forcément boiteuses. Les jambières de gardien à peine plus rembourrées que des catalogues Eaton de l'époque de Bill Durnan n'ont rien à voir avec l'armure que porte Carey Price. Et qui sait ce qu'aurait pu faire Bernard Geoffrion avec le bâton en composite de Zdeno Chara.

Mais il n'est pas nécessaire de remonter au temps du noir et blanc pour se rendre compte de l'énorme progression du hockey professionnel.

La semaine dernière, je suis tombé à la télé sur un vieux match de la série Canadien-Nordiques de 1985 (la fois où Peter Stastny, béni soit-il, a éliminé le CH lors du septième match avec un but en prolongation contre Steve Penney). Je n'en revenais pas de voir à quel point le jeu était lent. Je me suis pris à compter mentalement «un bateau, deux bateaux, trois bateaux» chaque fois qu'un joueur s'emparait de la rondelle. Rien à voir avec ce qui se passe de nos jours, où tout joueur qui taponne plus d'une demi-seconde avec l'objet s'expose à s'en faire déposséder sans autre forme de procès.

Je discutais de ça récemment avec Robert Lang, un des doyens de la Ligue à 38 ans. Il est arrivé dans la LNH au début des années 90, à l'époque où Wayne Gretzky et Mario Lemieux étaient les superstars de la Ligue. Le hockey d'alors n'avait rien à voir avec celui d'aujourd'hui, estime-t-il.

«De nos jours, l'écart entre les meilleurs joueurs et les joueurs «moyens» s'est beaucoup rétréci. Avant, Wayne était incroyable et il y avait un énorme écart entre lui et les autres joueurs. Ce n'est plus le cas.»

Selon Lang, la flambée des salaires au cours des années 90 n'est pas étrangère à l'amélioration du calibre des joueurs. «La business mène le reste, qu'on le veuille ou non, dit-il. Les gars se sont dit, je vais jouer au hockey de toute façon, alors pourquoi ne pas gagner le plus d'argent possible? Je vais prendre soin de moi, m'entraîner, m'assurer que je suis en forme, prendre des leçons de patinage. Et subitement, le talent a augmenté.»

Le vétéran des Blues de St.Louis, Keith Tkachuk, reconnaissait vendredi que le calibre «est 100 fois mieux qu'il l'était» au moment où il a enfilé l'uniforme des Jets de Winnipeg pour la première fois, en 1991-92. «Je n'aurais jamais pensé que des jeunes comme Patrick Kane, Sidney Crosby ou Alexander Ovechkin pourraient faire le saut à un aussi jeune âge et s'avérer aussi dominants qu'ils le sont.»

L'application plus sévère des règlements depuis le lock-out de 2004-2005 fait une grande différence, comme le signale Alex Kovalev. «Les meilleurs joueurs peuvent montrer leurs habiletés, contrairement à ce qui se passait quand je suis arrivé dans la ligue. Il y avait beaucoup d'accrochage et d'obstruction, c'était difficile.»

En même temps, si les prises de l'ours à la Craig Ludwig - autre détail qui m'a frappé en regardant le match Canadien-Nordiques - sont plus rares aujourd'hui, la préparation des équipes et des joueurs n'a jamais été aussi raffinée. Les entraîneurs dissèquent les vidéos des matchs de leurs adversaires avec un souci maniaque du détail. «C'est devenu difficile de produire dans cette ligue, dit Lang. Tout le monde te connaît. Il n'y a pas de surprises, tellement on s'étudie. Même les joueurs extraordinaires comme Crosby ou Ovechkin, on connaît leurs tendances. Qu'ils produisent malgré tout ne fait que prouver à quel point ils sont bons.»

La répétition des saisons records des Lemieux et Gretzky est devenue un rêve impossible. Mais l'élite de la Ligue n'en est pas moins bonne, au contraire. «Les habiletés athlétiques et le degré de préparation des joueurs ont tellement augmenté que c'est difficile de marquer 50 buts, dit Lang. Cinquante buts, aujourd'hui, c'est incroyable! J'aimerais vraiment voir un autre joueur marquer 90 buts, mais les gars sont plus gros, plus forts, plus rapides, et la patinoire est restée la même. Tu n'as plus de temps. Tu ne fais que réagir. Le niveau général de talent, surtout sur les troisièmes et quatrièmes trios, est beaucoup plus élevé qu'autrefois.»

Ce n'est pas manquer de respect à Gretzky et à Lemieux - ni à Peter Stastny, d'ailleurs! - que de le souligner.

Le chaud et le froid

J'ai été un peu rabat-joie dans mes commentaires au sujet du match des Étoiles, au cours des derniers jours, mais je ne me ferai pas prier pour reconnaître que le week-end a été un succès sur toute la ligne. Les joueurs et les fans se sont amusés, les jeunes ont eu l'occasion de voir de près leurs idoles. C'est tout ce qui compte, au fond.

La chaleur de l'accueil réservé aux joueurs devrait aussi être une merveilleuse carte de visite pour le Canadien dans ses tentatives futures d'attirer à Montréal des joueurs autonomes de renom... si toutefois ceux-ci n'ont pas été découragés par le froid de canard qui sévissait!