Au cours des derniers jours, le gouvernement Harper a dévoilé, pièce par pièce, des éléments du budget qui sera déposé demain à la Chambre des communes. Il s'agit d'une façon de faire très inhabituelle, les documents budgétaires étant toujours entourés du plus grand secret. Les conservateurs cherchent sans doute à accroître la visibilité de ces diverses mesures dans la population de façon qu'il soit plus difficile pour les libéraux de s'opposer au budget.

On sait donc que le gouvernement enregistrera des déficits de 34 et 30 milliards au cours des deux prochaines années. Des dépenses supplémentaires sont annoncées pour la rénovation de logements (2 milliards), la formation de la main-d'oeuvre (1,5 milliard), la culture (160 millions), etc. Le gouvernement a fait savoir qu'il compte revenir à l'équilibre sur un horizon de cinq ans.

 

Selon les économistes de la Banque TD, les dépenses visant à stimuler l'économie totaliseront entre 34 et 40 milliards, ce qui devrait permettre d'augmenter le taux de croissance du PIB d'un demi-point. Tenant compte de l'impact de ces mesures stimulatrices, le gouverneur de la Banque du Canada a fait savoir jeudi qu'il s'attendait à une forte reprise dès 2010, avec une croissance du PIB de 3,8%.

En prenant connaissance de toutes ces nouvelles, on a l'impression que, après quelques mois de difficultés cette année, le Canada sortira vite de la crise économique et que le gouvernement fédéral émergera du rouge aussi rapidement qu'il y a plongé. Souhaitons que ce scénario se réalise. Toutefois, les probabilités sont grandes que les choses se passent autrement.

Sur la scène économique internationale, les mauvaises nouvelles se succèdent, toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Par exemple, selon les plus récentes données disponibles, l'économie chinoise a ralenti plus que prévu et le Japon est plongé dans une profonde récession. Le Fonds monétaire international (FMI) doit d'ailleurs réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour l'économie mondiale. Grand pays exportateur, comment le Canada pourrait-il se relever alors que ses clients sont en aussi grave difficulté?

C'est pourquoi plusieurs économistes ont accueilli avec scepticisme les prévisions rose bonbon de la Banque du Canada. La plupart s'attendent à une reprise lente en 2010. Pour ce qui est des finances publiques, le directeur parlementaire du budget estime que si Ottawa veut revenir à l'équilibre d'ici cinq ans, «il devra probablement faire appel à des mesures d'austérité vers la fin de la période».

En somme, aussi massives soient les dépenses qu'annoncera demain M. Flaherty au final du striptease conservateur, l'économie canadienne et les finances publiques seront exposées à des risques très importants au cours des prochains mois. En cette période délicate, le Canada est malheureusement dirigé par un gouvernement minoritaire fragile dont toutes les décisions sont motivées par des considérations partisanes à court terme. La solution de rechange - une coalition bancale - n'est guère plus rassurante en ce qui a trait à la clairvoyance et à la sagesse, plus que jamais nécessaires ces temps-ci.

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