La cause de séparation entendue cette semaine au palais de justice de Montréal excite beaucoup les amateurs de potins. C'est normal: il s'agit de la vie des gens riches et célèbres avec ses millions de dollars et son rythme effréné, à des années-lumière du quotidien de la majorité d'entre nous.

C'est donc une bien mauvaise cause pour parler d'un problème, bien réel celui-là : la responsabilité et les obligations des conjoints de fait qui ont des enfants lorsque leur couple éclate.

Dans une province où 34% des couples vivent en union de fait, l'enjeu est important.

Dans les autres provinces canadiennes (à quelques différences près), où les conjoints de fait représentent moins de 20% des unions, les couples sont considérés comme mariés après un an de vie commune s'ils ont un enfant, et après trois ans de vie commune s'ils n'en ont pas.

Au Québec, la législation est plus ambiguë. La loi sur le patrimoine familial ne s'applique qu'aux couples mariés alors que la loi sur l'impôt s'applique aux couples après seulement trois mois de vie commune. Le Québec devrait-il modifier les dispositions en vigueur pour imposer les mêmes obligations à tous les couples, qu'ils soient mariés ou en unions de fait?

C'est ce que l'avocate de la plaignante affirme. Elle prétend qu'à l'heure actuelle, au Québec, la différence entre les deux régimes a créé deux catégories d'enfants. Selon elle, il faudrait donc modifier la loi.

Si on oublie un instant les détails extraordinaires de la cause en question, il faut reconnaître que ce débat mérite d'avoir lieu. Il soulève toutefois des questions très délicates.

Par exemple, les enfants de parents séparés doivent-ils avoir exactement le même train de vie dans les deux maisons? Et si oui, le parent le plus riche doit-il verser une pension alimentaire au parent le plus pauvre pour combler le déséquilibre? Ensuite, est-ce à l'État de remédier à la situation ou n'est-ce pas plutôt aux conjoints d'union de fait de se protéger en signant une entente qui prévoit l'après-séparation ou l'après-décès?

Comme le disent souvent les avocats spécialisés dans ce type de cause, c'est lorsqu'on est amoureux qu'il faut planifier son divorce... Cynique, mais vrai.

Autre problème : en reconnaissant les mêmes droits et les mêmes obligations à tous les couples québécois, on les soumettrait donc à la loi sur le patrimoine familial. Cela voudrait dire qu'un couple ayant vécu ensemble durant trois ans sans avoir eu d'enfant devrait partager tous les biens et richesses acquis durant la relation, sans compter que le conjoint le plus riche pourrait se voir obligé de verser une pension à son ex. C'est ridicule. Qui voudra risquer le concubinage dans ces conditions-là?

Les enjeux, on le voit, sont fort complexes. Oui, il faut absolument protéger les enfants dans le cas d'une séparation. Il faut également protéger les droits du conjoint qui s'est appauvri pour s'occuper de sa famille. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des libertés individuelles. Le mariage doit demeurer un choix, pas une obligation.