La solide remontée du dollar canadien, qui a atteint la parité avec le dollar américain en cours de journée, jeudi, constitue une excellente nouvelle.

La solide remontée du dollar canadien, qui a atteint la parité avec le dollar américain en cours de journée, jeudi, constitue une excellente nouvelle.

Certes, cela n'est pas évident au premier coup d'oeil, et en particulier pour les exportateurs qui voient les prix de leurs produits monter en flèche sur le marché américain.

Et il s'est même trouvé un premier ministre pour accréditer le mythe des avantages d'une monnaie faible. Au plus fort de sa descente aux enfers, en 2001, le huard ne valait plus que 62,78 cents américains. Il fallait débourser 1,59$ pour acheter un dollar américain.

Certains économistes, à l'époque, pensaient même que le plongeon se poursuivrait jusqu'à 50 cents. Le premier ministre Jean Chrétien, dans une intervention demeurée célèbre, a cru bon rappeler qu'un dollar faible, «c'est bon pour les exportations».

C'est vrai, mais le raisonnement est un peu court.

La réalité, c'est qu'on ne bâtit pas une économie solide sur une monnaie faible. La recette a été essayée à de nombreuses reprises dans le passé, et elle a presque toujours débouché sur une catastrophe.

On peut évidemment comprendre les grincements de dents des exportateurs. Entre 2001 et aujourd'hui, le huard s'est apprécié de 60%. C'est donc dire que leurs clients américains, pour acheter les mêmes produits, doivent payer 60% plus cher qu'il y a six ans.

Une telle variation du taux de change du dollar en aussi peu de temps est sans précédent. Pour maintenir leurs parts de marché, les exportateurs doivent compenser la flambée des prix en augmentant leur compétitivité. Facile à dire, beaucoup plus difficile à faire en des délais courts.

En ce sens, leurs lamentations sont en partie fondées.

Mais sur le fond de la question, il n'y a aucun doute: les avantages d'une monnaie forte l'emportent largement sur les inconvénients.

Il faut d'abord crever le mythe voulant que la montée du huard entraîne un effondrement des exportations. Entre janvier et juillet 2001, alors que le dollar canadien était à son nadir, les exportations canadiennes aux États-Unis se situaient à 217 milliards.

Comme nous venons de le voir, le huard s'est apprécié de 60% pendant cette période. Or, pour les sept mois correspondants en 2007, les exportations au sud de la frontière ont atteint 212 milliards. Recul il y a, oui, mais on est à des années-lumière de l'effondrement.

D'autre part, pour la même période, les exportations vers les autres pays sont passées de 38 à 66 milliards, ce qui compense plusieurs fois ce recul. À tout prendre, le Canada exporte davantage maintenant qu'à l'époque où sa monnaie traînait la patte.

Sur le front de l'emploi, il est vrai que les exportateurs du secteur manufacturier ont fait des mises à pied. Mais le monde ne se limite pas au manufacturier. Pendant qu'il se perd des emplois, il s'en crée ailleurs, notamment dans le secteur des services.

Entre 2001 à 2007, au net, l'économie canadienne a créé 1,8 million d'emplois, dont près de 400 000 au Québec. La majorité de ces nouveaux emplois sont à temps plein. Le taux de chômage n'a jamais été aussi bas en 30 ans.

Ce n'est pas tout. Une monnaie forte fait littéralement fondre les prix des produits importés. Les États-Unis fournissent 66% des importations canadiennes. Tout ce qui entre des États-Unis coûte donc beaucoup moins cher qu'il y a six ans.

Certes, chez les amateurs de complots, on avance que les importateurs, les grossistes et les détaillants profitent de ces bas prix pour s'en mettre plein les poches au lieu de refiler ces épargnes aux consommateurs.

Un autre mythe!

Le jeu de la concurrence fait en sorte qu'il se trouvera toujours un commerçant pour proposer des prix plus bas que ceux des concurrents.

Enfin et surtout, une monnaie forte permet aux entreprises canadiennes de réaliser des immobilisations en machinerie, outillage et équipement, ce qui augmente d'autant leurs gains de productivité.

Au contraire, une monnaie faible freine les immobilisations. Des experts ont calculé que chaque fois que le huard recule de 10%, les immobilisations diminuent de 2,5% dans l'année qui suit, et de 4,1% à plus long terme, c'est-à-dire dans les deux à dix années suivantes.

Une monnaie faible peut constituer un expédient commode pendant un certain temps. À terme, cela compromet les immobilisations, l'emploi, la création de richesse, la qualité des services publics.

Voila pourquoi il faut se réjouir des événements récents.