On a beau dire que ce n'est pas une surprise, ça ne rend pas l'annonce plus facile à encaisser: Bombardier fait 1330 mises à pied. Le choc est d'autant plus dur que plusieurs travailleurs avaient repris espoir en voyant Bombardier remporter de nouvelles commandes.

On a beau dire que ce n'est pas une surprise, ça ne rend pas l'annonce plus facile à encaisser: Bombardier fait 1330 mises à pied. Le choc est d'autant plus dur que plusieurs travailleurs avaient repris espoir en voyant Bombardier remporter de nouvelles commandes.

On espérait que l'obtention de deux contrats coup sur coup, dont un très important avec Northwest Airlines, allait permettre à l'avionneur d'éviter de nouvelles coupes. Mais c'est vraiment la disette pour les jets régionaux.

Bombardier doit donc rajuster le tir: Montréal est touchée moins fortement que Belfast, mais Toronto sort gagnante avec l'ajout de 800 emplois pour produire des avions turbopropulsés, plus populaires que les jets régionaux.

Dave Chartrand, président de la section locale 712 de l'Association internationales des machinistes et travailleurs de l'aérospatiale (FTQ), ne trouve aucun réconfort dans le fait que Montréal soit moins touchée que Belfast: " Un emploi de perdu, c'est un emploi de trop, peu importe où il se trouve. " Il n'est pas jaloux non plus du sort réservé à l'usine de Toronto: " Cette usine a failli fermer il y a quelques années. Aujourd'hui, les turbopropulsés ont retrouvé la faveur des transporteurs, parce qu'ils sont moins gourmands en carburant. Tant mieux pour les travailleurs de Toronto. "

Tant mieux pour Bombardier aussi. Le regain de popularité des turbopropulsés et la bonne performance des jets d'affaires font contrepoids à la perte de vitesse des jets régionaux. Grâce à la diversification de son offre, Bombardier Aéronautique ne subira pas de baisse de ses livraisons d'avions pour l'exercice en cours par rapport au précédent. C'est la composition des produits qui sera différente.

Qu'il existe un contrepoids ne change en rien au fait que les jets régionaux de Bombardier ne sont plus aussi populaires auprès des transporteurs. L'avionneur affronte une sérieuse concurrence de la part de son rival brésilien Embraer. Par ailleurs, l'entreprise montréalaise n'est toujours pas présente dans le créneau des jets de plus de 100 places, le marché qui connaît actuellement la plus forte expansion.

Bref, le vaisseau amiral du secteur aérospatial québécois navigue en eau trouble. Il faut cependant faire attention; ce n'est pas parce que Bombardier éprouve des difficultés avec ses jets régionaux qu'il faut en conclure que c'est tout le secteur de l'aéronautique qui souffre. Au contraire, il traverse une bonne période. Les CAE, Pratt&Whitney, CMC Electronic, Bell Helicoptère tirent très bien leur épingle du jeu. En fait, pour l'ensemble du secteur aéro- spatial québécois, le nombre d'emplois est en hausse par rapport à l'an passé. Même chose pour les revenus. Se concentrer uniquement sur Bombardier, disent plusieurs experts, c'est un peu comme fixer l'arbre et oublier la forêt.

Il reste que c'est un très gros arbre, autour duquel gravite une partie de la forêt. La faiblesse des ventes de Bombardier cette année se reflète d'ailleurs sur la valeur des exportations québécoises du secteur. Tout indique que, pour la première fois depuis 2001, la vente d'avions entiers n'occupera plus le premier rang de nos exportations. L'aluminium l'aura supplanté. Selon Hélène Bégin, économiste au Mouvement Desjardins, les ventes du métal blanc ont progressé de 36 % depuis le début de l'année, alors que les ventes d'avions ont chuté de 22 %. Les exportations de moteurs et de pièces d'avion ont beau avoir augmenté, ce n'est pas suffisant pour contrebalancer la faiblesse des ventes d'appareils. Le Conference Board prévoit ainsi une baisse de l'ensemble des exportations du secteur aérospatial québécois de l'ordre de 10 %.

Le lancement d'un appareil de plus de 100 places pourrait redonner l'élan qui manque à Bombardier Aéronautique. Je dis bien pourrait, car la décision est loin d'être prise. Comment réussir à s'imposer dans ce créneau alors qu'Embraer y est déjà bien implanté et que des avionneurs de la taille de Boeing s'y intéressent? La partie est loin d'être gagnée. Le géant montréalais s'est donné jusqu'à la fin de l'année pour trancher. D'ici là, je parie que plusieurs arbres garderont leurs branches croisées.