On a souvent parlé d'une économie à deux vitesses: celle de l'Ouest, propulsée par l'Alberta, et celle du centre, dont la nôtre, qui a peine à s'adapter à la robustesse du huard. On avait tout faux. Il faudrait parler en fait de l'économie de l'Alberta et de celle du reste du pays. Car il s'agit vraiment d'un cas à part.

On a souvent parlé d'une économie à deux vitesses: celle de l'Ouest, propulsée par l'Alberta, et celle du centre, dont la nôtre, qui a peine à s'adapter à la robustesse du huard. On avait tout faux. Il faudrait parler en fait de l'économie de l'Alberta et de celle du reste du pays. Car il s'agit vraiment d'un cas à part.

Imaginez, la croissance économique de l'Alberta fait concurrence à celle de la Chine! Sans blague. Les chiffres le démontrent: depuis 2002, le taux de croissance annuel moyen albertain est de 12,7 %, ce qui se rapproche des 14,8 % affichés par le géant asiatique. Le phénomène est tel que Statistique Canada l'a examiné de plus près. La conclusion de l'étude publiée la semaine dernière est on ne peut plus claire: l'Alberta traverse la période de croissance économique la plus intense jamais connue par une province canadienne.

L'Alberta compte depuis quelques années sur une entrée massive d'argent.

Ces sommes proviennent des bénéfices des entreprises, qui ont plus que doublé de 2002 à 2005. Sans surprise, cet essor des bénéfices s'explique par les prix des exportations pétrolières et gazières. À eux seuls, le pétrole et le gaz naturel sont à l'origine d'un peu moins des deux tiers des exportations de biens. De là, le surnom d'Alberta Saoudite.

Cette richesse a des répercussions sur l'ensemble des composantes de l'économie: l'emploi, les salaires, le logement, l'immigration, les finances publiques et le reste. Pour chacun de ces éléments, la performance albertaine dépasse de loin la moyenne canadienne, quand elle n'établit pas de nouveaux records.

En 2005, par exemple, le taux de chômage de l'Alberta était le moins élevé non seulement des provinces, mais aussi de tous les États américains. Son taux d'emploi atteint également des sommets à 71,7 %.

Avec un marché du travail aussi effervescent, on ne sera pas étonné d'apprendre que les salaires y sont les plus élevés au pays. La rémunération horaire moyenne est de 20,04 $ l'heure, ce qui place l'Alberta devant l'Ontario. C'est ce qu'on pourrait appeler la revanche de l'Ouest.

Pas surprenant, dans un tel contexte, que les Albertains soient ceux qui dépensent le plus au pays. Depuis le début de l'année, les ventes au détail connaissent, en valeur nominale, une croissance de 17 % par rapport à 2005. C'est phénoménal!

L'Alberta est dans une classe à part. Comme pour nous rendre un peu plus jaloux, les auteurs de l'étude soulignent que, malgré cette orgie de dépenses, les Albertains sont ceux qui épargnent le plus au Canada.

Sur le marché de l'habitation, les mises en chantier en Alberta ont récemment dépassé celles du Québec, même si cette province est deux fois moins peuplée que la nôtre.

C'est que la population albertaine est en forte croissante. La prospérité est un véritable aimant qui attire des migrants de partout au pays. La migration interprovinciale est à l'origine de 43 % de la croissance démographique de l'Alberta de 2000 à 2005.

Selon Statistique Canada, il n'y a que l'Alberta qui, chaque année depuis 10 ans, bénéficie d'une entrée nette de migrants interprovinciaux. Malgré cet apport important, 25 % des fabricants albertains se plaignent d'une pénurie de main-d'oeuvre non qualifiée. Cette proportion n'était que de 2 % en 2003.

Cette étude est concluante: dans le cas de l'Alberta, ce n'est pas en se comparant qu'on se console. Bien au contraire! Histoire de se réconforter un peu, nous avons cherché à savoir ce qu'aurait été la croissance économique canadienne en excluant le phénomène albertain. Une fois cette donnée connue, nous étions curieux de voir comment la situation du Québec se comparait à cette croissance sans l'Alberta.

Cet exercice est un peu biaisé et ne donne pas une image juste de la réalité, puisque la croissance économique albertaine a eu un impact important sur celle des autres provinces et de l'ensemble du pays. Mais ne boudons pas notre plaisir et allons-y quand même.

Entre 2002 et 2005, le PIB canadien a progressé de 18,6 %, celui du Québec de 13,6 % et celui de l'Alberta de 43 %! En faisant abstraction de l'Alberta Saoudite, le taux de croissance du PIB canadien passe à 14,9 %.

Ce n'est peut-être pas statistiquement très valable, mais c'est quand même révélateur. Il ne s'agit pas de s'asseoir sur nos lauriers et ne pas chercher à s'améliorer. Mais il faut reconnaître que comparer notre performance économique à celle de l'Alberta, riche en pétrole et en gaz, c'est pratiquement faire preuve de masochisme.

mboisver@lapresse.ca

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