Le Conference Board a publié, la semaine dernière, un profil des performances de 17 pays industrialisés, dans six importants dossiers socio-économiques: innovation, économie, environnement, éducation, santé et société.

Le Conference Board a publié, la semaine dernière, un profil des performances de 17 pays industrialisés, dans six importants dossiers socio-économiques: innovation, économie, environnement, éducation, santé et société.

Le document a été peu couvert dans les médias québécois; en revanche, il a créé tout un émoi dans le reste du Canada.

Le jugement du Conference Board est sévère: il n'y a que dans le secteur de l'éducation où le Canada réussit à se classer dans le peloton de tête. Il se fait devancer partout ailleurs, et notamment dans les dossiers stratégiques de l'innovation et de l'environnement. Au total, le bilan du Canada est médiocre.

Pour en arriver à cette conclusion, l'organisme se base sur une grille comprenant plus d'une centaine d'indicateurs. Par exemple, pour évaluer la performance d'un pays dans le secteur de l'économie, on considère 28 critères, comme le produit intérieur brut par habitant, les gains de productivité, l'indice des prix à la consommation, le taux d'activité de la main-d'oeuvre, les immobilisations, l'état de santé des finances publiques, les entraves bureaucratiques et réglementaires, et ainsi de suite.

En fonction de sa performance, chaque pays se voit attribuer une note, de A à D, pour chacun des critères. Ces notes sont ensuite reportées au niveau des six grands dossiers. Un A signifie que le pays est nettement en avance sur les autres; un D indique un grave retard.

Ainsi, le Canada récolte un A, trois B, aucun C et deux D. Ce n'est pas très brillant.

On entend souvent dire que le Québec est en retard par rapport au reste du Canada. La comparaison du Conference Board est essentiellement de portée internationale, et ne comporte donc aucune donnée sur les administrations subalternes comme les États américains ou les provinces canadiennes.

En revanche, nous possédons toutes les données pour appliquer la grille du Conference Board au contexte québécois, et voir ainsi dans quelle mesure la performance québécoise se compare à celle du Canada et des autres pays riches. Voyons ce que cela donne.

Innovation

Historiquement, le Canada n'a jamais été un acteur important dans les secteurs de la recherche scientifique et du développement technologique.

Il y a, bien sûr, des activités de recherche, mais celles-ci demeurent marginales si on les compare à ce qui se fait ailleurs. Les déficiences canadiennes en machineries et équipements de pointe sont largement connues et documentées.

Enfin, uniquement au niveau des brevets internationaux, le Canada arrive au 14e rang sur 17, avec 22 brevets par tranche d'un million d'habitants. Le chiffre correspondant est de 122 en Finlande, 121 en Suisse, 108 au Japon.

Le Canada ne peut obtenir mieux qu'un D à ce chapitre, et rien ne permet de penser que le Québec fait mieux, surtout quand on considère la concentration des activités de recherche en Ontario. Donc, D pour le Québec.

Économie

Le Canada obtient ici un B, ce qui est assez honorable.

En économie, tous les indicateurs montrent que le Québec est en retard sur le reste du pays. Le poids économique du Québec décline à l'intérieur du Canada; le PIB par habitant est moins élevé que dans le reste du pays; le taux de chômage est supérieur; le taux d'activité est inférieur; les immobilisations sont anémiques; le Québec est la province la plus endettée; la productivité demeure plus faible. Pour toutes ces raisons, il serait irréaliste de donner la même note au Québec.

De façon raisonnable, on peut évaluer sa performance à C, ce qui n'est tout de même pas si mal. Cela équivaut à la performance de pays comme le Japon ou l'Australie.

Environnement

Une feuille de route épouvantable pour le Canada, principalement à cause des sables bitumineux de l'Alberta et des centrales thermiques ontariennes.

Depuis 1990, le Canada est un des pires délinquants pour ses émissions de gaz à effet de serre. À ce chapitre, il obtient un D. Ici, le Québec se distingue nettement du reste du pays.

La production d'énergie et de chaleur est la principale source de gaz à effet de serre au Canada. Or, le Québec tire essentiellement son énergie de l'hydro-électricité, qui ne produit pas de gaz à effet de serre. Le Québec peut à juste titre se vanter d'être la région la moins polluante du Canada.

On hésite cependant à lui donner une note parfaite de A, parce qu'il continue de choisir le modèle américain de développement urbain, et parce les Québécois sont les tristes champions du rejet des déchets résidentiels. Dans ces conditions, un respectable B conviendrait mieux.

Éducation

C'est ici que le Canada obtient sa meilleure note, son seul A.

Le Québec, comme le reste du pays, possède un très bon réseau d'éducation, mais tire de l'arrière sur plusieurs fronts: ratio maîtres/élèves au primaire et au secondaire, financement universitaire, recherche universitaire, et surtout, taux de décrochage effarant au secondaire: 25%, selon les chiffres le plus récents de l'Institut de la statistique du Québec, presque trois fois plus que dans le reste du Canada.

Dans un monde de plus en plus dominé par l'économie du savoir et les nouvelles technologies, un jeune Québécois sur quatre se lance sur le marché du travail avec un bagage scolaire dérisoire. Dans ces conditions, un B serait probablement plus proche de la réalité.

Santé

Le Canada obtient ici un B. Les auteurs considèrent des indicateurs reconnus comme l'espérance de vie à la naissance, le taux de suicide, l'incidence de diverses maladies (diabète, cancer, maladies du coeur, etc.) sur le taux de mortalité.

Selon ces indicateurs, le Québec pourrait également s'en tirer avec un B. Le Québec présente par ailleurs deux faiblesses importantes: une grave pénurie de médecins et d'infirmières, et une rapide détérioration des délais d'attente, nettement plus rapide en fait que dans le reste du pays. On pourrait raisonnablement lui attribuer un C.

Société

On examine ici des indicateurs comme le taux de pauvreté, la répartition des revenus, la qualité et l'accessibilité des programmes sociaux, la condition des aînés, des jeunes, des handicapés, le taux de criminalité, le niveau de confiance des gens envers leurs institutions. Le Canada obtient ici un B, et on peut affirmer que le Québec, dans l'ensemble, fait certainement aussi bien que le reste du pays en la matière.

Nous l'avons vu, le Canada obtient un A, trois B et deux D. Le Québec, avec la même grille, s'en tirerait sans doute avec trois B, deux C et un D. Puisque la mode est aux bulletins chiffrés, attribuons donc (de façon purement arbitraire, j'en conviens, mais cela donnera quand même un ordre de grandeur) une valeur à chaque note: 4 points pour un A, 3 pour un B, 2 pour un C et un seul pour un D. Selon ce système, le score parfait est de 24, c'est-à-dire un pays qui remporterait un A dans les six catégories. Personne n'y parvient, mais la Suède trône en tête du peloton avec 23 points, suivie de la Suisse avec 22 et de la Norvège avec 19. Le Canada obtient 15 points, et le Québec 14. Comme quoi le Canada a encore beaucoup de chemin à faire avant de se hisser parmi les meilleurs. Comme quoi, aussi, le Québec n'est pas tellement en retard sur le reste du Canada. Les deux cancres de la classe sont l'Italie et les États-Unis, avec 11 points. La force de l'économie américaine et la capacité d'innovation des États-Unis sont largement annulées par une mauvaise feuille de route dans les dossiers environnement, santé et société.