Les voyants de l'économie nipponne passent au rouge les uns après les autres. Les exportations, la consommation et la confiance dégringolent. Les faillites grimpent... Le Japon n'évitera pas le tsunami qui vient de l'Ouest.

Les voyants de l'économie nipponne passent au rouge les uns après les autres. Les exportations, la consommation et la confiance dégringolent. Les faillites grimpent... Le Japon n'évitera pas le tsunami qui vient de l'Ouest.

«Bonne nuit chers collègues.»

Au Japon, cette formule de politesse résonne à nouveau dans les entreprises... ou, plus précisément, dans les dortoirs «corporatifs» qui hébergent des travailleurs épuisés.

Des multinationales nipponnes, dont les géants financiers Mitsui et Sumitomo ou l'aciériste JFE Steel - invitent de plus en plus les employés-célibataires à passer la nuit dans des dortoirs tout neufs ou fraîchement rénovés, souvent à coups de millions de dollars.

Le phénomène prend une ampleur étonnante. Selon un récent sondage d'un organisme patronal, le quart des entreprises répondantes prévoient rénover ou rouvrir leurs dortoirs dans les prochains mois, rapporte l'agence de presse AP.

Tiré du grand livre de la «gestion à la japonaise», le dodo-au-boulot a connu son apogée durant le boom économique des années 80. Les patrons voyaient dans cette pratique une façon de resserrer les liens dans les troupes. Mais, avec la hausse des coûts et l'influence occidentale grandissante sur la main d'oeuvre, beaucoup d'employeurs y ont renoncé au début des années 90.

Or, pour l'observateur occidental, la renaissance des dortoirs pour les «samouraïs de l'entreprise» laisse croire que la deuxième économie de la planète souffre. Ou, du moins, qu'on s'ennuie des années 80, au point de raviver des techniques de gestion teintées de nostalgie.

La récession aux portes

Mais cette réaction est compréhensible. Tokyo vient de dresser le bilan de l'économie pour le deuxième trimestre; jusque-là épargné par la crise américaine du crédit, le pays du Soleil levant voit l'horizon s'assombrir.

Le produit intérieur brut (PIB) a accusé un repli de 0,6% d'un trimestre sur l'autre. La plus longue période de croissance de l'après-guerre, entamée en février 2002, semble donc bel et bien terminée.

La principale cause de cette mauvaise performance? Les Japonais dépensent moins. La consommation des ménages, qui contribue à plus de 50% de l'économie, a reculé de 0,5% au dernier trimestre. Et ça augure mal, l'indice de confiance de ménages ayant chuté en juin à son plus bas niveau depuis 26 ans.

Les Japonais sont devenus plus prudents, expliquent les économistes. Leurs salaires ne suivent pas la progression des prix des matières premières ou des aliments. L'inflation a atteint 2% au mois de juin - un bouleversement pour ce pays, qui a connu plusieurs années de déflation.

Et pour les exportateurs, les affaires sont également matière à déprime.

L'excédent commercial du Japon (les exportations moins les importations) a fondu de 87% en juillet par rapport au même mois de 2007, notamment en raison de la facture de pétrole et d'une baisse des exportations vers les États-Unis.

Il s'agit de la cinquième baisse mensuelle consécutive du solde commercial en glissement annuel.

Les consommateurs américains, touchés par la crise du crédit, sont moins enclins à acheter des automobiles, ce qui s'est traduit par un recul de 3,2% (en valeur) des importations de voitures japonaises. Les exportations vers les États-Unis de machines industrielles nippones ainsi que celles de composants et matériel électronique ont également diminué.

Dernier clou au cercueil: les faillites d'entreprises ont atteint en juillet un pic depuis cinq ans.

Devant une conjoncture aussi difficile, la Banque du Japon a décidé comme prévu, la semaine dernière, de laisser inchangé son taux directeur, à 0,5%, dans l'espoir de soutenir la consommation. Une remontée des taux est à écarter pour un bon bout de temps.

Mais l'Archipel n'est pas vraiment maître de son destin économique, la croissance japonaise demeurant indexée sur les États-Unis et la Chine. Sans compter que les finances publiques du pays sont grevées d'une dette colossale (150% du PIB), qui limite la marge de manoeuvre du gouvernement.

Consolation

Petite consolation: la récession sera probablement moins forte que celle qui a frappé à la fin des années 1990, de l'avis de la firme suisse UBS et de plusieurs experts. À l'époque, les banques croulaient sous les créances douteuses, une bulle boursière technologique venait d'exploser et le chômage battait des records.

Aujourd'hui, les piliers financiers du Japon sont plus solides, comme le montre la résistance des banques nippones à la crise américaine du subprime.

C'est un atout important. Et peut-être que cela aidera les travailleurs à mieux dormir dans les dortoirs de Japan Inc.