La pathétique «vente de feu» de Chrysler par son propriétaire allemand, la semaine dernière, a encore braqué les projecteurs sur la crise que traversent les constructeurs américains d'automobiles.

La pathétique «vente de feu» de Chrysler par son propriétaire allemand, la semaine dernière, a encore braqué les projecteurs sur la crise que traversent les constructeurs américains d'automobiles.

Des milliers d'emplois perdus. Effritement des parts de marché. Déficits colossaux La jadis invincible «Detroit», ville emblématique des General Motors, Ford et Chrysler, ressemble à un pauvre animal, figé de peur au milieu de la route, qui voit venir le rouleau compresseur que sont Toyota, Honda et les autres constructeurs asiatiques.

Pourtant la débâcle américaine nous fait oublier que, durant ce temps, l'industrie automobile se prépare à passer en quatrième vitesse en Inde et en Chine.

Pour illustrer à quel point les réalités sont différentes aux extrémités de la planète automobile, il suffit de citer un chiffre: 25 millions.

C'est le nombre faramineux d'emplois que l'industrie automobile en Inde comptera d'ici 2016, selon l'Automotive Mission Plan (AMP), l'ambitieux plan de développement dévoilé récemment par le gouvernement de ce pays.

En pleine croissance, le secteur automobile indien emploie déjà 10 millions de personnes. Et ce n'est qu'un début.

Par comparaison, le Canada compte environ 150 000 travailleurs dans ses usines de véhicules et de pièces. Avec le personnel des concessionnaires et des fournisseurs de services (mécanique, magasins de pièces, etc.), on dépasse à peine la barre des 450 000, selon Industrie Canada.

Bref, l'Inde est sur une autre planète.

Les Suzuki (Japon), Hyundai (Corée du Sud) et Tata Motors (Inde) sont déjà bien implantés au pays des rickshaw (ces tricycles colorés qui abondent dans les grandes villes indiennes). Or, d'autres constructeurs font la queue aux frontières.

GM (États-Unis), Fiat, (Italie), Honda (Japon) et le duo Renault-Nissan (France-Japon) ont annoncé depuis 18 mois des investissements totalisant 1,6 milliard US, selon une estimation sommaire personnelle.

De plus, Volkswagen (Allemagne), Mitsubishi (Japon), Toyota (Japon) et BMW (Allemagne) se préparent à injecter de l'argent dans des usines existantes ou nouvelles.

En tout, quelque 8 milliards US seront investis d'ici trois ans en vue de tripler la production de voitures en Inde, selon une étude de l'école Wharton (Université de Pennsylvanie).

Le patron de Renault, Carlos Ghosn, s'est rendu à Bombay le mois dernier pour le lancement de la Logan, une voiture construite en partenariat avec le géant indien Mahindra & Mahindra, qui est offerte à moins de 12 000$CAN.

Un marché colossal

Mais M. Ghosn rêve du jour où, grâce à une main-d'oeuvre bon marché, on pourra vendre une automobile pour aussi peu que 3000 $ US, «ou même 2000 $ US», pour attirer un plus grand nombre d'automobilistes, disait-il lors de sa visite.

Évidemment, l'intérêt croissant des constructeurs étrangers est à la hauteur du potentiel colossal du marché indien.

Forte de 1,1 milliard d'habitants, l'Inde ne compte cependant que 8 voitures pour 1000 habitants. Mais sous l'effet de son spectaculaire essor économique -une croissance de 8 ou 9% en moyenne depuis six ans- le marché de l'auto a bondi de 20% en 2006 (à 1,3 million de nouvelles immatriculations), selon le rapport AMP. Et personne n'entrevoit un ralentissement dans un avenir prévisible.

Le gouvernement veut même faire de l'Inde une plate-forme mondiale pour la production de véhicules (autos, camions, tracteurs, etc.). Si bien que la valeur de la production du pays va quadrupler (à 160 milliards de dollars) en 2016 -l'équivalant de 10% du produit intérieur brut (PIB), par rapport à 5% actuellement!

On pourrait en dire autant du marché de l'auto en Chine, qui croit lui aussi à un rythme effréné: en 2006, par exemple, les ventes de voitures dans ce pays ont bondi de 25%...

Tout ça pour dire que, malgré la déprime américaine, l'industrie automobile roule à tombeau ouvert en Asie. Ce qui veut dire que beaucoup, beaucoup de voitures se retrouveront bientôt sur les routes.

Aussi, les gens préoccupés par la qualité de l'air ont raison de s'alarmer. On peut se demander si le monde de l'auto, et certains gouvernements intoxiqués par les retombées économiques, ont oublié une règle de conduite importante: l'environnement n'est pas une autoroute où toutes les vitesses sont permises.