Pour les gens de la Bourse de Montréal, les déclarations de l'économiste Sir Nicholas Stern sur les changements climatiques ne pouvaient pas mieux tomber. Tout est prêt pour lancer le Marché climatique de Montréal, une Bourse qui exploite un système de négociation des émissions de gaz à effet de serre. Tout ce qui manque, c'est la volonté politique.

Pour les gens de la Bourse de Montréal, les déclarations de l'économiste Sir Nicholas Stern sur les changements climatiques ne pouvaient pas mieux tomber. Tout est prêt pour lancer le Marché climatique de Montréal, une Bourse qui exploite un système de négociation des émissions de gaz à effet de serre. Tout ce qui manque, c'est la volonté politique.

Nicholas Stern est catégorique: tant qu'il n'y aura pas un coût attaché aux émissions de gaz à effet de serre, les entreprises n'auront pas intérêt à changer leur façon de faire. Si on veut vraiment s'attaquer aux changements climatiques, il faut que la tonne de CO2 ait un prix. L'ancien économiste en chef de la Banque mondiale met d'ailleurs en tête de liste la création de Bourses du carbone comme moyen de réduire les émissions de GES.

Si l'on veut être capable d'attribuer un prix à la tonne de CO2 produite au Canada, il faudra que le gouvernement Harper se décide à établir des cibles à atteindre. Sans cible, on ne peut pas établir de prix et sans prix il n'y a pas négociation possible, donc pas de Marché climatique de Montréal.

On peut peut-être espérer que Stephen Harper sera plus sensible aux propos de M. Stern qu'à ceux des environnementalistes. Après tout, notre premier ministre a lui aussi une formation d'économiste. La plus grande contribution de Sir Nicholas Stern aura été de traduire en chiffres le discours des scientifiques. Quand on y regarde bien, il ne dit rien de vraiment nouveau quant à l'impact des changements climatiques sur l'avenir de la planète. Il le dit tout simplement dans une autre langue, celle des gros sous. L'avantage de ce langage est qu'il est d'ordinaire celui que les dirigeants comprennent.

Sir Stern s'est donc servi de modèles économiques pour évaluer le coût des changements climatiques prévus par les scientifiques. Comme technique, c'est plutôt efficace. Si rien n'est fait, prédit l'économiste anglais, le produit intérieur brut mondial pourrait être réduit de 20%. On évalue la facture à 7000 milliards de dollars. C'est beaucoup de zéros après le sept. Cette chute aurait des conséquences aussi dévastatrices que les deux guerres mondiales ou encore que la grande dépression des années 30, estime le chercheur. Nicholas Stern ajoute que ces effets seraient irréversibles. "Les changements climatiques sont le plus grand échec de toute l'histoire de l'économie de marché", écrit le chef du service économique britannique.

Cela dit, l'homme demeure optimiste. Nous pouvons éviter ce scénario catastrophe si des mesures sont immédiatement prises pour réduire les émissions de GES, insiste-t-il. L'action doit être concertée à l'échelle internationale. Agir tout de suite coûtera nettement moins cher. M. Stern estime à 1% du PIB mondial le coût de cette prise en charge.

Outre l'attribution d'un prix à la tonne de CO2, Nicholas Stern se livre à un véritable plaidoyer en faveur d'investissements massifs dans la recherche et le développement de technologies plus propres. Il estime qu'il faudra réduire de 20% nos émissions de GES d'ici 2050. Pour y arriver, on devra chercher de nouvelles façons de faire et y injecter les sommes nécessaires. "Les investissements effectués au cours des 10 à 20 prochaines années auront des répercussions profondes sur les changements climatiques de la dernière moitié de notre siècle."

L'économiste britannique rappelle à juste titre que les gouvernements et les entreprises n'ont pas à choisir entre la lutte contre les changements climatiques ou la croissance économique. L'un n'exclut pas l'autre, bien au contraire. La recherche de nouvelles technologies peut créer des potentiels de marché formidables et devenir un important vecteur de croissance.

La conclusion de Nicholas Stern est on ne peut plus évidente: les bénéfices d'une prise en charge rapide et vigoureuse des changements climatiques dépassent largement les coûts économiques qu'on devra subir si rien n'est fait. Reste à voir maintenant si les paroles de l'économiste trouveront écho à Ottawa. Cette étude conjuguée à la pression de l'opposition réussira peut-être à convaincre Stephen Harper de revoir son plan d'action en matière environnementale. Il faut absolument qu'Ottawa établisse des cibles précises de réductions des GES.

L'heure n'est plus aux politiques floues élaborées dans le seul but de gagner du temps. Il n'y a plus de temps à perdre. Plus vite on agira, moins cher ça coûtera. C'est une logique que devrait comprendre M. Harper.