Bien sûr, la photo de famille aurait été plus pittoresque dans le froid du Grand Nord, en plein coeur du chantier de la centrale Eastmain-1-A.

Bien sûr, la photo de famille aurait été plus pittoresque dans le froid du Grand Nord, en plein coeur du chantier de la centrale Eastmain-1-A.

Ça faisait effectivement un peu bizarre d'assister au lancement de ce qu'on appelle le projet hydroélectrique de la décennie dans la chaleur et le confort du siège social montréalais d'Hydro-Québec.

Le party a, certes, eu moins d'éclat. Peu importe qu'on croie ou non les motifs invoqués pour justifier l'urbanité de cet événement, cela n'enlève rien à son importance. La construction de la centrale Eastmain-1-A est capitale pour l'économie du Québec.

Sans cette centrale, qui produira 8,5 milliards de kilowattheures lors de sa mise en service prévue en 2011, Hydro-Québec risquerait de ne plus être en mesure de répondre à la demande d'électricité des Québécois. On pourrait alors être obligé d'importer de l'énergie, provenant peut-être des centrales au charbon des États-Unis, donc beaucoup moins propre, et ce, à un coût souvent exorbitant.

Avec Eastmain-1-A, le Québec disposera au contraire de surplus qu'elle pourra exporter pendant quelques années. L'Ontario, a-t-on appris hier, serait le principal client des excédents d'Hydro. Reste à voir à combien seront négociés les contrats de vente entre les deux provinces, mais il est évident que ce sera rentable pour l'ensemble des Québécois. Rappelons que la moitié des profits d'Hydro se retrouve dans les coffres de l'État.

Et même si toute l'énergie produite par Eastmain-1-A n'était consommée qu'au Québec, la société d'État ferait quand même des profits. Le coût de production de l'énergie générée sera de 5,1 ¢ le kilowattheure, alors qu'on prévoit un prix de vente au-dessus des 7 ¢. De l'avis d'experts comme Jean-Thomas Bernard, c'est le dernier projet hydroélectrique d'envergure qui peut être réalisé au Québec à un coût raisonnable.

Qui dit projet d'envergure dit aussi retombées économiques importantes. On estime à près de 5 milliards $ les investissements nécessaires pour construire cette centrale.

Au cours des six prochaines années, plus de 4000 personnes travailleront, chaque année, à la réalisation de ce vaste chantier. Le Nord-du-Québec, l'Abitibi-Témiscamingue et le Saguenay-Lac-Saint-Jean seront parmi les régions qui bénéficieront le plus de la manne. C'est un véritable baume pour ces dernières, durement éprouvées par la crise forestière.

Bien sûr, la construction d'un barrage comme celui d'Eastmian-1-A n'est pas neutre au plan environnemental. Les travaux nécessiteront la dérivation de la rivière Rupert, un des plus imposants cours d'eau au Québec.

Le projet prévoit le détournement vers le nord des deux tiers du débit de la Rupert. Cette magnifique rivière ne sera plus ce qu'elle était. C'est dommage, mais au moins, on la préservera. Hydro-Québec a visiblement appris des erreurs passées.

Car on ne peut pas accuser la société d'État d'avoir négligé ses devoirs. Le lancement de ce projet a été précédé d'un rigoureux processus d'évaluation. De nombreuses études d'impact ont été réalisées, des audiences publiques ont été tenues et finalement deux commissions d'évaluation environnementale, l'une provinciale, l'autre fédérale, ont donné le feu vert à la dérivation de la Rupert.

Pour ce qui est des Cris, Hydro a longuement discuté avec eux. La dérivation de la Rupert a été entérinée par cette nation en 2002, lors de la signature de la Paix des Braves. Cette entente, conclue par Bernard Landry et Ted Moses, alors grand chef, et approuvée alors par une majorité de 70 %, permettait la dérivation de la Rupert en retour d'une imposante compensation financière.

Bien qu'il subsiste des dissensions au sein de la nation crie, le grand chef du Grand Conseil des Cris, Matthew Mukash, était présent jeudi aux côtés de Jean Charest.

Le projet Eastmain-1-A n'est pas parfait, loin de là. Mais il y a un prix à payer pour exploiter ce qui, ne l'oublions pas, est notre plus grande richesse naturelle.

Alors que la croissance économique du Québec traîne de la patte, que les investissements stagnent et que nos régions souffrent, un chantier de cette envergure ne peut être que bienvenu.

D'autant plus qu'il s'agit d'un projet de développement économique basé sur une ressource propre, renouvelable, créatrice de richesse et qui contribuera, sur une base continentale, à réduire les gaz à effet de serre.