Les Européens ne sont pas à la fête. Récession probable en Irlande, crédit toujours plus cher et plus rare en Angleterre, baisse des exportations allemandes. La résistance à la contamination américaine s'effrite sur le Vieux Continent.

Les Européens ne sont pas à la fête. Récession probable en Irlande, crédit toujours plus cher et plus rare en Angleterre, baisse des exportations allemandes. La résistance à la contamination américaine s'effrite sur le Vieux Continent.

Depuis une semaine, l'Europe s'enfonce dans la déprime sous un bombardement de mauvaises nouvelles :

- Le géant industriel allemand Siemens annonce qu'il éliminera plus de 16 700 emplois;

- Les ventes estivales d'Au Printemps et des Galeries Lafayette, deux bastions du commerce de détail en France, piétinent malgré des prix radicalement réduits;

- Les prix des maisons au Royaume-Uni qui chutent de 6,1% au deuxième trimestre, pire recul en 15 ans;

- Même l'Irlande - le champion européen de la croissance - glisse vers une récession.

Pourtant, on y a bien cru cet hiver. L'Allemagne, le principal moteur européen, continuait alors de surprendre avec ses exportations soutenues et semblait résister à l'effet domino américain. Mais on a finalement hissé le drapeau blanc la semaine dernière.

Les exportations allemandes ont baissé de 3,2% en mai (sans compter l'inflation), tandis que les importations augmentaient faiblement, a-t-on appris mercredi. De plus, la production industrielle a chuté bien plus que les prévisions les plus alarmistes ne le pressentaient. Ce recul a même touché la machinerie, fer de lance de l'industrie allemande.

«Attachez vos ceintures» face au risque d'atterrissage brutal de la conjoncture allemande, recommande Andreas Rees, de la banque Unicredit dans une note financière. «Un recul de 0,4% ou 0,5% du PIB au deuxième trimestre est possible», juge l'économiste.

JP Morgan et Citigroup ont finalement porté le coup de grâce, vendredi, en avançant que l'économie européenne s'est probablement contractée au deuxième trimestre - un premier repli depuis l'adoption de l'euro il y a 10 ans. Une récession (deux trimestres consécutifs de baisse) à l'échelle continentale n'est pas exclue.

L'Irlande aussi

Même les ex-ténors de la croissance européenne, l'Irlande et l'Espagne, multiplient les fausses notes ces temps-ci.

L'Irlande, qui nous a habitués à une envolée économique annuelle d'au moins 6% durant les années 90, est passée dans le rouge. Au premier trimestre, le PIB (produit intérieur brut) de l'île s'est contracté de 1,5% sur un an, signant la pire performance parmi les 15 membres de la zone euro.

Frappé de plein fouet par la crise du crédit, le Tigre celtique est soudainement couché.

L'effondrement de la construction de logements, principale source d'emplois du pays, a fait grimper le chômage à 5,7% en juin, pire bilan en plus de dix ans en Irlande.

Un nouveau recul de l'économie au deuxième trimestre suffirait à classer officiellement le pays en récession. Un scénario noir qui ferait revenir l'Irlande un quart de siècle en arrière, avant que l'île ne bénéficie de son entrée dans l'Union européenne.

Entre-temps, les investisseurs semblent avoir perdu confiance en l'Espagne, où l'effondrement du secteur immobilier - responsable de 10% de l'économie, soit deux fois la moyenne européenne - crée des secousses inquiétantes.

Un exemple: la semaine dernière, Madrid a dû annuler une émission d'obligations gouvernementales. La raison : la demande sur le marché est insuffisante. Un coup dur pour la fierté espagnole, surtout après cette belle victoire au ballon rond lors de l'Euro 2008.

Les ventes de maisons ont chuté de 31% en Espagne au premier trimestre et la croissance restera sous les 2% cette année, la plus faible progression en 16 ans. Dans ce contexte, les investisseurs ne veulent pas des obligations espagnoles, qui leur ont fait perdre de l'argent jusqu'ici cette année. Alors le gouvernement devra attendre que le marché retrouve sa bonne humeur avant de faire de nouveaux emprunts.

Quand la construction va...

L'Europe est donc rattrapée par la crise du crédit immobilier à risque aux États-Unis. D'ailleurs, le secteur de la construction va faiblir jusqu'en 2010, prédit l'institut de conjoncture allemand IFO dans une étude.

On comprend alors pourquoi des chefs d'État, dont le président français Nicolas Sarkozy, ne décolèrent pas depuis que la Banque centrale européenne (BCE) a haussé les taux d'intérêt il y a 10 jours (de 0,25% à 4,25%).

Entre inflation et croissance, faut-il le répéter, le coeur de la BCE ne balance pas. Comme le lui dicte son mandat, la BCE défendra d'abord la stabilité des prix.

Mais M Sarkozy peut se rassurer : dans un environnement économique aussi déprimant, parions que la BCE ne haussera pas les taux avant la fin 2008.