La Caisse de dépôt et placement du Québec est doublement touchée par l'actuelle crise du papier commercial (PCAA) adossé à des actifs non bancaires.

La Caisse de dépôt et placement du Québec est doublement touchée par l'actuelle crise du papier commercial (PCAA) adossé à des actifs non bancaires.

Non seulement elle en détiendrait pour une valeur approximative de 13,6 milliards de dollars, mais en plus, elle possédait dans ses portefeuilles, en date du 31 décembre dernier, pour plus de 2 milliards de dollars de titres de sociétés également frappées par le krach du PCAA adossé notamment aux subprimes américains, c'est-à-dire les hypothèques résidentielles à risques.

Et cela ne comprend pas les investissements de la Caisse dans les sociétés et les fonds à capital fermé affectés par la crise financière.

Dans le tableau ci-contre, vous trouverez des précisions sur les positions de la Caisse dans 23 sociétés américaines victimes de la crise du PCAA. Le 31 décembre dernier, la Caisse y détenait des actions pour une valeur de 1,4 milliard.

Du côté des titres de sociétés européennes et asiatiques écorchées par le PCAA contaminé, la Caisse possédait une valeur de 917 millions, répartis dans 17 institutions financières, dont HSBC Holding, USB AG, Barclays Plc, Credit Suisse, Royal Bank Scotland, BNP Paribas, Deutsche Bank, Bank of China, Mizuho Financial Group, Société Générale, Swiss Re, Sumitomo Mitsui Financial, etc.

Les positions de la Caisse dans les titres des sociétés ouvertes peuvent avoir été modifiées à la hausse ou à la baisse depuis le début de l'année 2007.

Voilà pourquoi, on ne peut calculer le montant exact des pertes que la Caisse a accumulées à ce jour en raison de la chute des titres des sociétés frappées par la dépréciation du PCAA.

Mais un coup d'oeil rapide au Tableau 1 vous permettra tout de même de constater l'ampleur de la correction boursière qui a frappé nombre de sociétés américaines aux prises avec le papier commercial contaminé.

Des exemples récents?

Dans son rapport trimestriel du 30 septembre 2007 remis à la SEC (Securities and Exchange Commission), la Caisse de dépôt et placement rapporte qu'elle détient un bloc de 5 328 344 actions de Fannie Mae, pour une valeur globale de 324 millions de dollars US.

L'action de Fannie Mae vaut à ce moment-là 60,81 $ US pièce.

La crise du papier commercial s'amplifiant, Fannie Mae (FNM) a vu son action chuter dramatiquement cette semaine. Au cours actuel (31,00$US), ce bloc d'actions de Fannie Mae, s'il est resté intact, ne vaut plus que 165 millions US, soit 159 millions de moins qu'il y a à peine deux mois.

Un autre exemple. Dans son rapport du 30 septembre à la SEC, la Caisse rapporte également qu'elle détient à ce moment-là un bloc de 3 000 000 d'actions de la société américaine spécialisée dans le marché hypothécaire, IndyMac Bancorp. Valeur du placement: 70,8 millions US, l'action d'IndyMac étant évaluée à la fin septembre à 23,61$ l'unité.

Vendredi, IndyMac se négociait autour de 8,80$US. Ce qui donne au placement de la Caisse, s'il n'a pas été modifié, une valeur de seulement 26,4 millions US, soit une perte sur papier de 44,4 millions US.

Autre gros placement de la Caisse dans un groupe financier américain. Le 30 septembre dernier, la Caisse rapportait à la SEC qu'elle détenait un bloc de 7 266 000 actions de Wachovia Corporation. Valeur du placement: 364,4 millions US, soit autour 50$ l'action.

Vendredi, l'action se négociait autour des 40,60$. Ce bloc de Wachovia, s'il n'a pas bougé, vaut aujourd'hui 295 millions, soit 69 millions de moins.

D'autre part, à la lumière du rapport du 30 septembre déposé à la SEC, la Caisse a considérablement réduit ses positions dans le capital-actions des sociétés Citigroup, Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Merrill Lynch, Lehman Brothers et Morgan Stanley.

Compte tenu de la sévère correction que ces titres ont subie depuis le 30 septembre, la stratégie de vente de la Caisse lui a sans doute permis d'éviter de lourdes pertes additionnelles, voire des dizaines de millions.

Comme on sait, la Caisse est un gestionnaire dynamique: les portefeuilles sont gérés très activement. Pendant qu'elle en arrache avec les titres des sociétés touchées par le krach mondial du PCAA, elle réalise sans doute d'alléchants profits avec d'autres secteurs boursiers.

Tant mieux pour nous car la dépréciation comptable du gros bloc de papier commercial de PCAA qu'elle détient... risque de creuser un «trou» allant de 1 à 4 milliards, selon les estimations de l'ADQ. L'ampleur du «trou» à venir dépend évidemment du pourcentage de dépréciation que les comptables de la Caisse utiliseront lorsqu'ils prépareront les états financiers du 31 décembre prochain.

Ces temps-ci, la fourchette de dépréciation des PCAA semble assez aléatoire: pendant que le Mouvement Desjardins utilisait un maigre taux de 8,25%, la Banque Nationale y allait d'un taux de 25%.

Par ailleurs, la crise du papier commercial est loin d'être terminée. D'une semaine à l'autre, on constate que la crise immobilière aux États-Unis entraîne dans son sillon de nouvelles victimes.

Cette semaine, ce sont les organismes américains de refinancement hypothécaire, soit Freddie Mac et Fannie Mae, qui ont vu leurs actions chuter dramatiquement à cause de la dépréciation de leurs actifs.

Ces sociétés, dont le mandat est de racheter des banques des prêts immobiliers dans le dessein de les transformer en obligations, se sont fait piéger par l'augmentation des défauts de paiement des ménages. Des millions de ménages américains sont présentement étouffés par leurs dettes hypothécaires.

L'OCDE (L'Organisation de coopération et de développement économiques) évalue à quelque 300 milliards de dollars US les pertes potentielles que le monde de la finance va devoir éponger avec le papier commercial contaminé par la crise hypothécaire américaine.

Pour sa part, la Deutsche Bank, qui est un acteur important dans le papier commercial, anticipe des pertes encore plus importantes, soit 400 milliards.

Chose certaine, on est encore loin du compte. Les pertes déclarées jusqu'à présent par les institutions financières dans le monde entier ne totalisent même pas 70 milliards!

Le grand patron de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, témoignera mercredi prochain devant la Commission des finances publiques, du gouvernement du Québec.

Les critiques financiers de l'ADQ et du PQ réussiront-ils à le faire parler sur le montant exact de PCAA détenu par la Caisse? À suivre...