Lors du débat des chefs, l'échange Charest-Dumont sur l'ampleur de la dette des Québécois a retenu beaucoup d'attention. Or, il faut savoir que les deux chefs politiques ne parlaient que de la dette du gouvernement provincial. En réalité, les Québécois sont beaucoup plus endettés qu'ils pourraient le croire.

Lors du débat des chefs, l'échange Charest-Dumont sur l'ampleur de la dette des Québécois a retenu beaucoup d'attention. Or, il faut savoir que les deux chefs politiques ne parlaient que de la dette du gouvernement provincial. En réalité, les Québécois sont beaucoup plus endettés qu'ils pourraient le croire.

En plus de la dette provinciale, ils doivent aussi assumer les dettes de leurs administrations municipales et scolaires, en plus évidemment de leur part de la dette fédérale. À cet égard, il est bon de rappeler que même si Ottawa a retrouvé l'équilibre budgétaire depuis plus de 10 ans et qu'il a réussi à réduire substantiellement son endettement, il traîne toujours une dette de 500 milliards.

D'autre part, c'est bien beau d'ergoter sur le montant de la dette, mais cela ne nous apprend pas grand-chose si on ne le compare pas aux dettes des autres provinces. Ainsi, la dette du gouvernement ontarien est légèrement plus élevée que celle du Québec. Mais les Ontariens sont presque deux fois plus nombreux que les Québécois pour la supporter, sans compter qu'ils sont plus riches, et que la capacité fiscale de leur province est plus élevée. Toutes proportions gardées, les Québécois sont donc plus endettés que les Ontariens.

Il est à peu près impossible de comparer l'endettement des provinces à partir des documents budgétaires. Avec le temps, chaque province a développé ses propres systèmes comptables. Les chiffres de certaines sociétés d'État, organismes et fonds spéciaux, déficits de fonds de retraite, dettes du réseau de la santé, ces chiffres, donc, peuvent ou non, en tout ou en partie, être inclus dans les résultats financiers des provinces.

Heureusement, malgré ce bric-à-brac, les comparaisons sont possibles. Statistique Canada a mis au point un système de comptabilité harmonisé, qui permet de mesurer l'actif et le passif financier de chaque province de la même façon. Il va de soi que les chiffres standardisés de l'agence fédérale de statistique peuvent différer sensiblement des chiffres publiés par certains gouvernements provinciaux. En revanche, le système permet de comparer des pommes avec des pommes. La même méthode d'harmonisation peut être appliquée aux municipalités et aux commissions scolaires. Le système présente cependant un inconvénient: la collecte, la compilation et l'harmonisation de données extrêmement complexes demandent du temps. La plus récente compilation a été publiée tout récemment, en juillet 2008, mais elle couvre l'année 2006.

Malgré ce décalage, la compilation de Statistique Canada demeure le meilleur instrument de comparaison disponible.

La province la plus endettée est Terre-Neuve, avec une dette frisant les 19 000$ par habitant; la Nouvelle-Écosse suit assez loin avec 15 700$, et le Québec arrive troisième avec 13 500$. Si on considère la dette provinciale, il est donc inexact de dire que les Québécois sont les citoyens les plus endettés au Canada. Il faut cependant dire que le poids démographique de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, réunies, ne fait même pas celui de la ville de Montréal. À l'autre bout de l'échelle, la province la moins endettée est la Colombie-Britannique, avec moins de 4000$ per capita, Une seule province, l'Alberta possède un actif financier supérieur à son passif, ce qui signifie que chaque Albertain a «en banque» un montant de 8200$.

Les dettes des municipalités et commissions scolaires varient beaucoup d'une province à l'autre. À cet égard, ce sont les Québécois qui doivent supporter le fardeau le plus lourd, tandis que les Saskatchewanais sont largement dans les surplus.

Enfin, tous les Canadiens doivent assumer leur part de la dette fédérale, qui demeure beaucoup plus élevée que la dette de toutes les provinces réunies. Le montant frise les 16 000$ par personne. À cause du poids de la dette fédérale, même la riche Alberta bascule dans le rouge.

Comme il apparaît clairement au tableau ci-contre, les dettes des administrations locales sont relativement peu élevées; la dette fédérale est la même pour tout le monde. C'est donc le niveau d'endettement des provinces qui fait la différence.

Ainsi, si on tient compte de l'ensemble des dettes publiques (fédérale, provinciales, locales), le classement est presque identique à celui de l'endettement provincial. Au total, les Québécois ressortent clairement comme très lourdement endettés.

Vrai, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse font pire, mais l'écart entre le Québec (en troisième place) et le Manitoba (en quatrième) est substantiel.

Toutes proportions gardées, si la dette per capita du gouvernement québécois était comparable à celle de l'Ontario, les Québécois seraient moins endettés de 35 milliards.

Devant ces chiffres, il serait peut-être pertinent de rappeler que si Hydro-Québec, depuis la nationalisation de l'électricité en 1962, avait vendu son électricité au prix du marché au lieu de subventionner la consommation, les Québécois seraient aujourd'hui collectivement plus riches que les Albertains.