En regardant la bande vidéo où défilaient des extraits du Banquier et d'autres succès télé, les grands patrons du Groupe TVA avaient plus d'une raison de sourire, dans la pénombre du studio de la station où se tenait leur assemblée annuelle, vendredi.

En regardant la bande vidéo où défilaient des extraits du Banquier et d'autres succès télé, les grands patrons du Groupe TVA avaient plus d'une raison de sourire, dans la pénombre du studio de la station où se tenait leur assemblée annuelle, vendredi.

Et ce n'est pas seulement parce que cette entreprise vient de multiplier par six ses profits trimestriels.

En effet, les télédiffuseurs généralistes comme TVA semblent plus près que jamais de leur but, gracieuseté de TQS.

Les «généralistes», c'est bien connu, réclament avec insistance le droit de toucher des redevances sur les abonnements au câble à l'instar des chaînes spécialisées qu'elles jalousent.

Or, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a fait la sourde oreille jusqu'à maintenant à leurs revendications.

Mais, si le CRTC a repoussé leur demande en avril 2007, la situation pourrait bien changer cet été. Assurément, les difficultés financières de TQS nourrissent la réflexion des commissaires du CRTC, tandis qu'ils délibèrent sur la décision qu'ils rendront à la suite des audiences publiques tenues en avril sur l'avenir de la télé au pays.

«C'était quand même surprenant que les commissaires du CRTC en étaient venus (l'an dernier) à la conclusion que nous n'avions pas fait la preuve de l'érosion des profits des généralistes, alors qu'il y avait déjà une dégringolade de l'auditoire», a noté Pierre Karl Péladeau.

«Je pense que la preuve est assez faite!» a ajouté le président et chef de la direction de Quebecor, en marge de l'assemblée de TVA, dont il est l'un des administrateurs.

Le grand patron de Quebecor peut dire un gros merci aux frères Rémillard de Remstar, propriétaires pressentis du Mouton noir. Ce ne sont évidemment pas eux qui ont mis TQS dans l'embarras, mais l'ancien propriétaire du réseau, Cogeco.

Toutefois, en annonçant de façon cavalière la fermeture du service de l'information, au mépris de la licence actuelle de TQS, qui prévoit la production de nouvelles locales, Julien Rémillard a enfilé le vieil uniforme de fier-à-bras qu'il portait du temps où il jouait au hockey pour les Chiefs de Laval.

Comme le disent les amateurs de sport, les Rémillard ont fait du bon travail de goon en braquant l'opinion publique au Québec et en mettant le CRTC sur la sellette.

Soit que la pression politique incite le CRTC à aider les généralistes comme TQS avec le paiement de redevances, ce qui profitera aussi à TVA. Soit que le CRTC reste sur ses positions ou, plus saisissant encore, s'oppose à l'achat de TQS par Remstar. Même si d'autres acheteurs pour TQS sont sur les rangs, un tel flottement pourrait se révéler fatal pour ce réseau chancelant, d'autant qu'annonceurs et employés clefs quittent déjà le navire.

Dans un cas comme dans l'autre, TVA est mort de rire!

Les redevances ont été mises en place au cours des années 80 pour favoriser l'éclosion de chaînes spécialisées (à qui l'on accordait, de surcroît, un monopole dans leur champ de spécialisation).

Mais cette aide n'a plus sa raison d'être aujourd'hui, surtout que la plupart des chaînes spécialisées, notamment les chaînes de sport comme RDS, sont des planches à imprimer des billets.

Les chaînes spécialisées francophones ont empoché des profits de 120 millions de dollars en 2007. D'après les relevés financiers du CRTC, il s'agit d'une hausse de 17% par rapport aux bénéfices récoltés en 2006!

Pourquoi aider financièrement une chaîne comme Série Plus, qui est l'équivalent télé d'un magnétoscope qui trône sur une armoire remplie de vieilles cassettes VHS? Avec des coûts de production minimalistes, certaines chaînes spécialisées font de l'argent comme de l'eau.

Cette situation est inéquitable. Mais ce serait une erreur de la corriger en versant des redevances à tout le monde, télédiffuseurs généralistes compris.

Pierre Dion, président et chef de la direction de TVA, s'est évertué à répéter vendredi que les revenus de son réseau télé plafonnent. Mais à voir les résultats du Groupe TVA (bénéfice net en hausse de 533%) et de Quebecor Média (bénéfice net en hausse de 43%), pourquoi les téléspectateurs devraient-ils subventionner Quebecor?

Car, au bout du compte, ce sont les consommateurs qui paieront la note. Des experts de l'industrie estiment que les abonnés du câble pourraient devoir débourser entre 4$ et 10$ de plus par mois si les généralistes reçoivent eux aussi des redevances.

En fait, c'est toute l'enveloppe des redevances qui devrait être redistribuée autrement, sans égard au fait qu'un télédiffuseur soit considéré comme généraliste ou spécialisé.

Conformément à sa mission qui est définie dans la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC devrait s'assurer que ce sont les chaînes qui produisent le plus de contenu local qui puissent recevoir des redevances.

Il devrait y avoir aussi une prime à l'information, en reconnaissance du fait que ce service, qui assure une diversité de voix au pays, coûte beaucoup plus cher que l'achat d'une série américaine doublée en français.

Ceux qui, comme les frères Rémillard, veulent tirer la télé vers le bas recevraient moins de redevances. Ainsi, les propriétaires des réseaux y penseraient à deux fois avant de saborder leurs services d'information.

Car, quoi qu'on pense de la qualité des infos diffusées par TQS, une voix distincte reste une voix.

Il faudrait bien sûr travailler la mécanique de la chose. Peut-être que le CRTC pourrait fixer un seuil de redevances minimal pour les chaînes qui se qualifient, et que les distributeurs pourraient ensuite négocier librement avec les chaînes télé.

L'idée, c'est de récompenser la production locale et l'information, plutôt que des vieilleries produites à l'étranger. L'information ne devrait pas être un boulet.