Parlez à peu près avec n'importe qui, à Saint-Jean-sur-Richelieu, et il y a de grosses chances qu'il vous annonce avec fierté que la ville a été, dès 1836, le terminus du premier chemin de fer au Canada.

Parlez à peu près avec n'importe qui, à Saint-Jean-sur-Richelieu, et il y a de grosses chances qu'il vous annonce avec fierté que la ville a été, dès 1836, le terminus du premier chemin de fer au Canada.

En des temps où la navigation fluviale était beaucoup plus importante que les liaisons terrestres, cette voie ferrée stratégique entre La Prairie et Saint-Jean-sur-Richelieu permettait de relier beaucoup plus rapidement Montréal au marché américain, via le Richelieu.

Pour Saint-Jean-sur-Richelieu, en grande partie grâce au chemin de fer, le XIXe siècle a été une grande époque, comme en témoignent encore plusieurs grandes maisons bourgeoises dans le vieux quartier patrimonial, dont la belle demeure, admirablement restaurée, de Félix-Gabriel Marchand, journaliste et homme d'affaires qui fut premier ministre du Québec de 1897 à 1900.

Et puis, avec le développement du réseau routier, Saint-Jean-sur-Richelieu a fini par perdre son importance stratégique et a sombré au rang de modeste ville industrielle.

Certes, la ville pouvait se vanter d'abriter le prestigieux Collège militaire royal, fondé officiellement en 1952 (mais dont les origines remontent aux années 1880), mais celui-ci a fermé ses portes en 1995.

Après avoir connu richesse et prospérité au XIXe siècle, la municipalité, à la fin du XXe siècle, traversait une période de profonde déprime.

Je me souviens, il y a dix ans, avoir eu une conversation avec le président de la chambre de commerce locale, le notaire Michel McNulty, qui se disait atterré devant le taux de pauvreté de la ville.

Quelques années plus tard, j'ai été invité à participer à une discussion avec trois personnalités johannaises passionnées de développement économique, Marcel Beauregard, Édouard Bonaldo et Nathalie Madore.

L'atmosphère était carrément à la déprime. La fermeture du Collège militaire avait certes porté un coup dur, mais la ville avait également de la difficulté à attirer des investissements.

Il faut dire qu'à l'époque, une promenade dans le Vieux-Saint-Jean n'avait rien pour remonter le moral: commerces agonisants, édifices décrépits, déluge de fils électriques, feux rouges clignotant sans arrêt, l'endroit avait l'air d'une zone sinistrée.

Et le plus triste, c'est que ce décor lugubre se profilait juste à côté d'un cadre naturel exceptionnel. Le Richelieu, à la hauteur de Saint-Jean, se présente sous un de ses plus beaux aspects, mais la ville lui tournait bêtement le dos.

Le vent tourne

Aujourd'hui, le vent est clairement en train de tourner du bon bord.

En 2001, Saint-Jean-sur-Richelieu a annexé les municipalités voisines de Saint-Luc, Iberville, L'Acadie et Saint-Athanase.

La nouvelle ville est la 11e du Québec avec ses 90 000 habitants. La fusion a propulsé les revenus moyens des ménages à la hausse.

Surtout, elle a contribué à diluer le déclin démographique de la ville-centre. Entre 1981 et 2001, Saint-Jean-sur-Richelieu a perdu près de 6% de sa population, alors que les municipalités voisines connaissaient un véritable boum; à Saint-Luc en particulier, la population a bondi de 39% pendant la même période.

En ce début de 2008, les Johannais ont au moins deux bonnes raisons d'être optimistes.

Sous l'impulsion énergique de l'organisme Rues Principales, le centre-ville est en train de reprendre vie.

Les constructions les plus hideuses ont été rasées, un parc au bord de la rivière a été mis en valeur. Il est question d'enfouir les fils électriques qui défigurent le quartier patrimonial.

Là même où s'étalait un environnement urbain désolant il y a à peine dix ans, les complexes d'appartements et de condos haut de gamme sont nombreux.

Déserté pendant des années, le centre-ville est en train de se repeupler, et les nouveaux arrivants sont des ménages à revenus moyens ou élevés.

L'autre bonne nouvelle, c'est l'état de santé du marché du travail.

Certes, comme partout en Amérique du Nord, Saint-Jean-sur-Richelieu a subi les contrecoups de la crise du manufacturier.

Entre 2002 et 2006, le nombre d'emplois manufacturiers est passé de 10 197 à 9515. Cette perte de plus de 600 emplois est dure à avaler, mais demeure relativement faible si on la compare aux massacres survenus ailleurs.

Le bon côté de la médaille, c'est que les entreprises ont continué d'investir dans l'outillage et l'équipement. Toujours entre 2002 et 2006, les immobilisations du secteur manufacturier sont passées de 58 à 104 millions.

Cela se traduira par des gains de productivité et, au bout du compte, par le maintien de milliers d'emplois.

Enfin, les pertes d'emplois dans le manufacturier ont été largement compensées par les emplois créés ailleurs.

Le ministère de la Défense, qui a décidé de relancer le Collège militaire, a créé plus de 900 emplois au cours de la seule année 2006.

Selon les calculs du journal Le Canada français, les 12 principaux employeurs de Saint-Jean, tous secteurs confondus, ont créé 1800 emplois en une seule année.

C'est trois fois plus que les 600 emplois perdus en cinq ans dans le manufacturier.