Curieux comme, parfois, l'événement de l'heure peut laisser une étrange impression de déjà vu. C'est exactement ce que provoque l'annonce de l'acquisition de YouTube par Google, une transaction de 1,65 milliard US, payée en actions de Google. Ce prix faramineux, offert pour une entreprise qui n'a pas encore deux ans d'existence et qui ne génère aucun profit, rappelle étrangement les folies de la fin des années 90.

Curieux comme, parfois, l'événement de l'heure peut laisser une étrange impression de déjà vu. C'est exactement ce que provoque l'annonce de l'acquisition de YouTube par Google, une transaction de 1,65 milliard US, payée en actions de Google. Ce prix faramineux, offert pour une entreprise qui n'a pas encore deux ans d'existence et qui ne génère aucun profit, rappelle étrangement les folies de la fin des années 90.

Qui ne se rappelle pas la fameuse bulle Internet, alors qu'on ne jurait que par la sacro-sainte convergence? C'était l'époque où plusieurs grandes entreprises acceptaient de payer des sommes colossales pour des sociétés en démarrage, des " start up ", qui n'affichaient que peu ou pas de profit du tout, mais qui laissaient miroiter de formidables promesses de croissance. C'était à qui mettrait la main sur la nouvelle coqueluche du moment, le prix à payer n'avait pas vraiment d'importance, puisqu'on réglait la facture avec des actions dont la valeur en Bourse était gonflée à l'hélium. On connaît la suite: une fois la bulle éclatée, la valse des radiations s'est ensuite amorcée. Plusieurs des entreprises acquises n'avaient tout simplement pas produit le miracle espéré. Elle ne valait plus qu'une infime fraction du prix payé.

C'est sensiblement le même scénario de départ qui se profile dans le cas de l'acquisition de YouTube par Google. Fondée en février 2005, dans le garage de Chad Hurley, à Menlo Park en Californie, YouTube est rapidement devenue un incontournable des mordus de vidéos sur Internet. Aujourd'hui, plus de 100 millions de clips y sont visionnés chaque jour. On y trouve du pire et du meilleur, une pléthore de vidéos amateurs, mais aussi des extraits de clips d'artistes connus et de séries télévisées des grandes chaînes. En l'espace de 22 mois, la création de Chad Hurley et de Steve Chen, âgés respectivement de 29 et 27 ans, s'est retrouvée au 14e rang des sites Internet les plus consultés au monde.

On serait porter à croire qu'une telle popularité se serait traduite en profit pour l'entreprise. Pas du tout. Craignant de s'aliéner les adeptes de YouTube, les fondateurs avaient une certaine réticence à insérer de la publicité entre les clips.

Cette absence de profit n'a pas empêché Google d'offrir le gros prix pour YouTube. Il faut dire qu'elle en a les moyens. La valeur de son action a été multipliée par quatre depuis son entrée en Bourse, il y a à peine deux ans. Malgré tout, David Drummond, vice-président de Google, avait de la difficulté à expliquer aux analystes ce qui justifiait un prix de 1,65 milliard US. Google ne l'avouera pas, mais c'est sans doute pour ravir YouTube à ses rivaux qu'elle a accepté de payer une telle somme. La rumeur voulait que Yahoo!,Viacom, Microsoft et News Corporation la convoitaient aussi. Tout comme à la fin des années 90, une course aux acquisitions s'est amorcée. Après les géants des télécoms, c'est maintenant au tour des grands noms de l'Internet. Tous cherchent à élargir leur offre de service, à devenir " le " fournisseur privilégié des internautes.

Le défi maintenant sera de faire de YouTube une entreprise rentable. C'est un pari à long terme, qui mise sur la popularité croissante de l'Internet au détriment de la télévision et sur la migration d'une partie de la tarte publicitaire du petit écran vers le cyberespace. Le pari de Google est loin d'être farfelu. Selon une étude, publiée en début de semaine par le quotidien britannique Financial Times, l'Internet a, pour la première fois, dépassé les journaux et les magazines comme principal fournisseur d'informations aux lecteurs européens. C'est tout un seuil qui vient d'être franchi. On n'aurait pas prédit ça il y a à peine cinq ans, en pleine déroute des titres Internet.

Un autre défi attend Google, à plus court terme celui-là. Sa nouvelle acquisition avait la mauvaise habitude de ne pas demander la permission avant de diffuser sur son site des extraits vidéo de séries télévisés ou des clips de chanteurs populaires. YouTube a conclu récemment une série d'ententes de distribution sous licence avec des grands de la musique et des chaînes de télévision. Est-ce que ce sera suffisant pour décourager tout recours aux tribunaux? Les avis sont partagés.

Lundi, l'imminence d'une transaction a fait monter la valeur de l'action de Google en Bourse. Hier, c'est l'inverse qui s'est produit. Assistions-nous à une prise de profit ou une prise de conscience?