En déposant son deuxième budget, jeudi, la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget n'était pas peu fière de proclamer qu'elle agissait en «bonne mère de famille».

En déposant son deuxième budget, jeudi, la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget n'était pas peu fière de proclamer qu'elle agissait en «bonne mère de famille».

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la mère de famille se montre hautement téméraire en émettant des prévisions budgétaires étalées sur cinq ans.

Dans le temps, à Ottawa, le ministre Michael Wilson s'est royalement cassé les dents avec des projections à long terme qui, au bout du compte, se sont montrées aussi fantaisistes que déconnectées de la réalité.

En matière de finances publiques, cinq ans, c'est du très long terme. Depuis, tous les ministres des Finances, à Ottawa et dans les provinces, font preuve de plus de prudence et leurs projections dépassent rarement un horizon de deux ans.

Cette tactique permet cependant à la ministre de multiplier les annonces spectaculaires: 906 millions pour améliorer le soutien aux familles, 985 millions pour les aînés, 1,9 milliard pour stimuler l'investissement privé, 700 millions pour «développer le savoir et les compétences des Québécois», 733 millions pour les régions ressources. Avec, en prime, un budget équilibré jusqu'en 2013.

Et en surprime, aucune hausse de taxes pour les cinq prochaines années. Qui dit mieux?

Le hic, c'est que tout cela étant étalé sur cinq ans, on ne peut être certain de rien. La seule chose qu'on sait, c'est l'impact des nouvelles mesures sur le prochain exercice financier, qui commence le 1er avril.

Ainsi, le budget n'annonce pas moins de 34 cadeaux pour les particuliers et les entreprises: nouvelle prime au travail, bonification du crédit d'impôt pour maintien à domicile d'une personne âgée, nouveau crédit d'impôt aux aidants naturels, abolition immédiate de la taxe sur le capital pour les entreprises manufacturières, nouveau crédit d'impôt à l'investissement, entre autres.

Pour l'exercice 2008-2009, l'ensemble de ces 34 mesures représente un manque à gagner de 141 millions au gouvernement.

Mme Jérôme-Forget annonce aussi 27 nouvelles dépenses ou augmentations de dépenses dans des secteurs aussi variés que le gouvernement en ligne, le logement social, la culture, l'agroalimentaire, l'intégration des immigrants, les élèves handicapés, etc.

Or, toutes ces initiatives coûteront 150 millions, toujours au cours du prochain exercice. L'impact financier total sur les revenus et dépenses du gouvernement en 2008-2009 sera donc de 291 millions sur un budget de 63 milliards. L'année suivante, alors que les nouvelles mesures s'appliqueront pendant tout l'exercice, elles représenteront 517 millions.

Pour le reste, on ne sait pas. Les projections de Mme Jérôme-Forget peuvent être, à n'importe quel moment, bousculées par la conjoncture économique internationale, les taux d'intérêt, le taux de change, les prix de l'énergie, la situation de l'économie aux États-Unis, sans compter qu'un changement de gouvernement peut survenir bien avant cinq ans.

Autrement dit, la pluie de dollars annoncée hier ressemble davantage à un coup d'épée dans l'eau.

En un sens, c'est dommage, parce que le budget de Mme Jérôme-Forget est loin d'être mauvais.

Il faut saluer l'idée de modifier le dividende d'Hydro-Québec. Traditionnellement, le gouvernement permettait à Hydro de conserver 50% de ses bénéfices. En renonçant à cet argent, le gouvernement se trouve à effectuer un placement dans Hydro, mais doit combler le trou en empruntant un montant équivalent.

Cette politique explique en bonne partie pourquoi la dette continue de grimper même si le gouvernement ne fait plus de déficits. Désormais, Hydro devra verser 75% de son bénéfice sous forme de dividende, ce qui réduira considérablement les besoins d'emprunt du gouvernement.

Très bonne initiative qui n'aura par ailleurs aucun impact sur les tarifs d'électricité.

L'abolition immédiate de la taxe sur le capital pour les entreprises du secteur manufacturier enlève une source d'irritation majeure à l'investissement.

Pour la première fois, le budget du Québec prévoit une réserve pour imprévus. Réserve modeste, certes, à 200 millions, mais réserve quand même: si aucun «imprévu» ne survient en cours d'exercice, la ministre augmente sa marge de manoeuvre d'autant.

Enfin, contrairement à son homologue fédéral Jim Flaherty, qui vient de déposer un budget comme si aucun nuage ne menaçait à l'horizon, Mme Jérôme-Forget consacre de longs passages aux problèmes de l'économie américaine, à la concurrence de la Chine et de l'Inde, à la crise des marchés financiers, à la stagnation des immobilisations, au ralentissement des dépenses des ménages.

Pas de lunettes roses, donc, mais un regard courageux et sans complaisance sur un contexte économique difficile.