Les régions périphériques du Québec continuent de se dépeupler à un rythme affolant, au profit de Montréal, lui-même victime d'une véritable saignée démographique au profit de la banlieue.

Les régions périphériques du Québec continuent de se dépeupler à un rythme affolant, au profit de Montréal, lui-même victime d'une véritable saignée démographique au profit de la banlieue.

Ces bouleversements sont en train de transformer radicalement le poids démographique des régions.

C'est ce qu'indique la dernière mise à jour des migrations interrégionales; ces données, qui incluent l'année 2007, ont été publiées cette semaine par l'Institut de la statistique du Québec.

Elles chiffrent essentiellement les mouvements de population entre les régions du Québec, et ne tiennent donc pas compte de l'accroissement naturel (les naissances moins les décès), ni des migrations interprovinciales ou internationales.

En revanche, elles permettent de voir combien de Gaspésiens, de Saguenéens ou d'Abitibiens ont quitté leur région pour s'établir à Québec, à Montréal ou dans l'Outaouais.

En outre, comme elles sont ventilées en fonction de l'âge, on peut mesurer l'ampleur de la tragédie qui frappe les régions éloignées: dans tous les cas, l'exode est surtout alimenté par des jeunes.

Ainsi, entre 1991 et 2007, la Gaspésie a perdu, au net (la différence entre les départs et les arrivées) près de 12 500 habitants. Sur une population totale de 95 500 personnes en 2007, c'est une catastrophe démographique épouvantable.

Cela signifie une perte de 130 personnes pour chaque tranche de 1000 habitants. L'intolérable, c'est que les jeunes de 20 à 29 ans, les forces vives de la société, représentent à eux seuls 67 % des départs.

Le Saguenay-Lac-Saint-Jean déplore une perte nette totale de 29 800 citoyens, ou 109 personnes par tranche de 1000 habitants. Là aussi, les jeunes de 20 à 29 ans, avec 61 % des départs, alimentent le gros du courant. Il y a encore pire.

La région Nord-du-Québec, où est concentrée la population crie et inuite, a perdu 7100 personnes, ou 173 personnes pour chaque tranche de 1000 habitants. Sur la Côte-Nord, cette proportion atteint 179 pour 1000.

Là où il y a des perdants, il y a aussi forcément des gagnants.

On pourrait croire que la majorité des gens qui quittent leurs régions s'établissent à Montréal. C'est vrai, mais l'affirmation mérite d'être nuancée, parce que Montréal, à son tour, se fait littéralement aspirer par la banlieue. Selon le découpage administratif du Québec, la région de Montréal correspond à l'île de Montréal.

Toujours entre 1991 et 2007, ce territoire a accueilli 467 000 Québécois provenant des autres régions. En revanche, pendant la même période, 624 900 Montréalais ont quitté la ville, principalement pour s'établir en banlieue.

Pour Montréal, il en résulte une perte nette de 157 900 habitants. Si la population de l'île continue d'augmenter malgré cela, c'est à cause de l'immigration internationale.

Tous ces déplacements profitent essentiellement à quatre régions: les Laurentides arrivent au premier rang de la croissance démographique interrégionale, avec 82 600 nouveaux résidants. C'est un gain prodigieux de 156 personnes par tranche de 1000 habitants.

Certes, la région s'étend très loin de la banlieue, jusqu'à Mont-Tremblant, Mont-Laurier et même au-delà, mais l'essentiel de la croissance provient de Montréalais qui s'établissent à Blainville, Saint-Eustache, Boisbriand, Sainte-Thérèse, Mirabel, Saint-Jérôme.

Sans surprise, on constate aussi que les régions banlieusardes de Lanaudière, Laval, et la Montérégie figurent parmi les grands gagnants des migrations interrégionales.

Ces chiffres apparaissent particulièrement pertinents au moment où les politiciens de tous les partis, à Québec, se préparent à réserver un enterrement de première classe au projet de nouvelle carte électorale proposée par le directeur général des élections, Marcel Blanchet.

Compte tenu de leur poids démographique, les électeurs des régions sont déjà scandaleusement favorisés par rapport à ceux de Montréal et de sa banlieue. Comme l'écrivait si justement mon collègue Yves Boisvert, dans La Presse d'hier: «Un homme et demi, un vote»!

M. Blanchet suggère donc de supprimer trois circonscriptions dans les régions qui se vident, et d'en ajouter trois dans celles qui connaissent une forte croissance. C'est la moindre des choses, et c'est le bon sens démocratique le plus élémentaire.

Les chiffres de l'Institut de la statistique viennent ajouter encore plus de poids à la proposition. Espérons qu'ils guideront nos élus sur le voie de la raison.